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.Texte intégralLes nouvelles qui composent ce recueil sont extraites du Prince blessé.© Flammarion, 1974Les enfants de l’ombreLes mains d’AnicettePénicheLa fée et le soldatL’homme fortBéni soit l’atomeLes enfants de l’ombreEn ce temps-là, une douce rivière coulait des monts d’Auvergne vers les plaines du Bourbonnais.Elle commençait en torrent maigrelet, prenait de la taille et de l’aisance jusqu’à ressembler à un fleuve moyen de région tempérée.On la nommait l’Allier.Les gens instruits, qui possédaient leur certificat d’études encadré au-dessus de la tête de leur lit, lui attribuaient le genre masculin, mais les simples ne se trompaient pas, et parlaient d’elle comme d’une fille.L’été, quand elle reflétait le ciel bleu pâle, elle avait l’air d’une bergère couchée parmi les fleurs et les herbes.Elle aimait les adolescents vierges, imprudents, qui ont les membres graciles et le ventre à peine fleuri.Chaque année elle en ravissait quelques- uns, elle les gardait longtemps dans son lit.Elle ne les rendait qu’après avoir tout tiré d’eux, elle les déposait doucement sur une berge de sable, nus, les yeux ouverts, les mains abandonnées, la bouche close.A l’automne, elle poussait un ventre de matrone et gémissait ses douleurs.Les riverains dont elle écrasait les prés en se retournant juraient sur elle : « La garce ! Al’est encor’grosse ! » Ils la connaissaient bien.A l’endroit exact où elle quitte l’Auvergne pour entrer en Bourbonnais, une petite ville s’était posée sur sa rive et demeurait là, s’arrondissait au cours des siècles.Son nom était Chussy et celui de ses habitants Chussyssois.Ce nom étant difficile à prononcer, surtout après boire, on préférait leur donner celui de Bisons.Nul ne savait d’où avait surgi cette appellation.Peut-être le fondateur de la ville était-il un Indien d’Amérique, ramené par Christophe Colomb, et son nom de guerre s’était-il étendu à ses concitoyens et leurs descendants.C’est une hypothèse.Nous connaissons mal, en Europe, les mœurs et le caractère des bisons.Ce ne sont pas, en tous cas, des animaux féroces.Et les habitants de la petite ville, qui portaient leur nom, se montraient en effet plutôt doux, et souvent rondelets, mais en général plus intelligents qu’un bœuf.On en jugera par l’industrie qu’ils pratiquaient.Un jour, Mme de Sévigné, passant par là alors qu’elle venait de retourner les foins en batifolant dans une prairie, but de l’eau d’une fontaine et s’aperçut avec étonnement que cette eau était tiède et qu’elle pétillait.Mme de Sévigné en fut enchantée, et écrivit quelques lettres à Mme de Grignan pour lui expliquer comment cette eau miraculeuse l’avait sur-le- champ guérie d’un grand nombre de maladies.Aussitôt, du monde entier, les malades accoururent à Chussy.Ils assiégèrent la fontaine et eurent tôt fait de la réduire à sec.Les Bisons, comprenant quel parti ils pouvaient tirer de cette affluence, creusèrent sous la ville d’immenses souterrains qui s’étendaient fort loin dans la campagne, et captèrent toutes les eaux de la région.Et la moitié de la population du pays passait son temps sous terre, les femmes entretenant les feux de bois pour chauffer l’eau, et les enfants soufflant dans les tuyaux pour la rendre gazeuse.Comme c’était une opération fastidieuse, un Bison artiste inventa de percer des trous dans les tuyaux, pour les transformer en instruments de musique.Et les enfants de la ville jouaient du matin au soir, chacun pour soi, la musique fraîche de son cœur, ce qui faisait couler, à la surface, l’eau pétillante avec des éclats de rire et des langueurs, et rendait rêveuses les femmes de trente ans qui tendaient leur verre aux fontaines.Plongés dans l’obscurité, les garçons et les fillettes prenaient des yeux très grands et très clairs, qui leur permettaient de voir tout ce qui s’enfuit à la moindre lueur.Dans les souterrains perdus sous les collines, les grottes immenses où leurs soupirs se multipliaient en chants d’orgues, au bord des lacs endormis dont l’eau enfermée au premier jour du monde n’a jamais connu la lumière que Dieu créa, les enfants découvraient des prairies de fleurs qu’on ne peut toucher, des trésors de gemmes aux luisances imperceptibles, des animaux furtifs aux ailes repliées, des fresques de chevaux galopants peintes en traits de nuit sur des murs de ténèbres.Dès que les fillettes devenaient filles, on les mettait au service des feux, leurs yeux reprenaient les dimensions des yeux de femme, se teintaient de couleur bleue ou brune, et ne pouvaient plus rien découvrir dans les caves perdues, que la peur.Les garçons, quand ils abordaient l’âge bête, étaient renvoyés à la surface et enfermés dans des collèges où ils devenaient, en peu de temps, médecins ou hôteliers pour le service des buveurs d’eau.Une grande prospérité régnait dans la ville.Le roi de Chussy, qui percevait une dîme sur chaque franc touché par un de ses sujets, gagnait chaque année des milliards.Mais il n’en profitait pas, il avait le foie malade, il était maigre et chauve et perdait ses dents, son médecin lui interdisait de sortir après huit heures du soir, il ne mangeait qu’un macaroni et un œuf à la coque, dans un coquetier enrichi de diamants, avec une cuillère en or.Quand arrivaient les premiers froids, tous les malades s’en retournaient chez eux, aux quatre coins du monde, les Chinois, les Arabes, les Américains, les Lapons, les Parisiens, tous.Quelques Bisons médecins émigraient aussi, suivaient les malades à la trace, quelques hôteliers transportaient pour six mois leur hôtel dans les grandes villes ou les pays de climat chaud où les touristes et les hommes d’affaires venaient reprendre une bonne dose des maladies qu’ils iraient soigner à Chussy l’été suivant.Mais la plus grande partie des habitants de la petite ville restait sur place, et s’ennuyait.On éteignait les feux, fermait les robinets, et tout le peuple du sous-sol remontait à la surface.On prenait grand soin de préserver les enfants de la lumière.On les gardait dans des pièces closes d’où le moindre reflet était banni.Ils restaient là tout l’hiver, enfermés avec les livres dont ni lettre ni dessin n’avait souillé les pages, et qu’ils ouvraient n’importe où pour trouver la suite de l’histoire, avec des instruments de musique muets, car le concert des souterrains eût rendu en surface la ville insupportable, mais dont ils savaient entendre les accords de silence, aussi bien qu’ils voyaient les formes et les couleurs inimaginables du noir.Ils avaient emporté avec eux les lacs lourds et les grottes dont la voûte pleure une goutte qui fleurit avant d’atteindre le sol, et les chevauchées des grands guerriers muets chargés de trésors ruisselant hors des coffres, et l’amitié des êtres de nuit dont la présence n’est qu’une caresse devinée.Les murs, au lieu de limiter leur monde, l’agrandissaient jusqu’à l’infini des ténèbres.La plus faible lumière eût fait surgir des limites.Dans les appartements, à côté de la pièce close qui contenait les enfants ravis, les adultes traînaient leur temps dans le gris de l’hiver ou à la lumière des lustres électriques en simili-fer forgé ou en bois tourné.Ils s’ennuyaient
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