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.Bon Aloi n’appréciait guère ses velléités de départ.Il observa ses amis à la dérobée.Questor Thews ressemblait davantage à un épouvantail qu’au Magicien de la Cour, avec ses robes bariolées et ses gestes désordonnés.Il exerçait d’ailleurs son art de la plus fantaisiste façon et avec des résultats le plus souvent désastreux.Abernathy, le vénérable scribe du roi, en était la preuve vivante, puisque c’était au magicien qu’il devait sa métamorphose en terrier blond à poils longs.Questor s’était révélé incapable de retrouver l’invocation propre à lui rendre son apparence humaine.Abernathy était donc un chien, certes, mais un chien en habits.Salica, sylphide à la surnaturelle beauté, à la fois femme et végétal, était une créature du monde des fées aux insoupçonnables pouvoirs.Ciboule et Navet, les kobolds, ressemblaient à des singes à grandes oreilles en hauts-de-chausses ; le premier, messager du roi ; le second, chef cuisinier.Il les avait tous trouvés si étranges en arrivant.Au bout d’un an, il ne voyait plus en eux que de fidèles compagnons, à la présence rassurante et protectrice.Ben hocha la tête, songeur.Il vivait à présent dans un univers peuplé de dragons et de sorcières, de gnomes, de trolls et autres créatures tout aussi inimaginables et entouré de châteaux qui respiraient comme des humains.Son quotidien était imprégné de magie.Il était devenu ce dont il n’avait osé rêver : monarque d’un royaume de légende.L’autre monde avait depuis bien longtemps disparu, son ancienne vie avec lui.N’était-il donc pas curieux qu’il y songeât encore si fréquemment ; qu’il pensât si souvent à Miles Bennett et à Chicago, à sa charge d’avocat et aux responsabilités qu’il avait laissées derrière lui ? Des images échappées de son rêve vinrent croiser ses souvenirs, comme pour tisser une immense tapisserie.Non, décidément, il ne parvenait pas à oublier ce qui avait été l’essence même de son existence pendant de si nombreuses années…Questor Thews s’éclaircit la voix.— Moi aussi, Messire, j’ai fait un rêve, la nuit dernière.Les yeux au regard glacé se rivèrent sur le magicien, dont la haute silhouette se ratatina dans ses robes.Les doigts décharnés caressèrent nerveusement la barbe broussailleuse.Sa voix se mua en murmure incertain.— J’ai rêvé des manuscrits disparus, des grimoires, des fameux livres de magie !Ben comprit alors la raison de tant de précautions.Rares étaient ceux qui, à Landover, connaissaient l’existence de ces grimoires.Ils avaient appartenu au demi-frère de Questor, son prédécesseur au titre de Magicien de la Cour, redoutable sorcier que Ben avait rencontré, dans l’autre monde, sous les traits d’un certain Meeks.C’était Meeks qui, avec la complicité d’un soi-disant héritier au trône, avait cédé à Ben la couronne de Landover pour un million de dollars, persuadé que Ben, victime des innombrables pièges tendus pour le détruire, reviendrait ventre à terre à la rassurante banalité de son propre monde.Ben lui rendrait ainsi Landover.Il pourrait de nouveau le vendre à quelque autre crédule, tout aussi voué à l’échec.Meeks avait cru faire de Questor son allié dans cette affaire, en lui faisant miroiter la possession de ces introuvables grimoires.Mais, contrairement à ses prévisions, Ben et Questor s’étaient ligués contre lui, déjouant tous les pièges qu’il avait si savamment ourdis et tranchant, par là même, les derniers liens qui reliaient encore Meeks à Landover.Ben dévisageait anxieusement Questor.Oui, Meeks avait été exclu.Mais les grimoires, eux, demeuraient toujours cachés dans le royaume, quelque part, là, dans la vallée…— M’avez-vous entendu, Sire ? insista le magicien, des étincelles de convoitise dans ses prunelles d’un vert étonnamment clair
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