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.Des mots de rienSandPublication: 2011Tag(s): surnoms enfance roman fictionChapitre 1Poupée« Poupée ».C’est cette petite fille sur la photo.Assise sur un tas de pavés, devant une maison anonyme comme il y en a des milliers.Un jeans déchiré au genou, sûrement un vestige d’une chute récente.Un improbable gilet en mouton, ou un truc approchant.Des cheveux blonds tranchant avec la casquette rouge enfoncée jusqu’aux yeux.Un sourire léger, presque figé.La pellicule l’a gardé comme ça.Hésitant.Elle doit avoir quatre ou cinq ans.Cette petite fille c’est moi.Difficile à croire, maintenant que me voilà adulte, que j’aie été cette petite pousse.Plus je tiens cette photo entre mes doigts, plus le malaise m’envahit.Je me souviens.Je sais.Que derrière le sourire, il y a aussi tout le reste.Que déjà là, je planquais bien soigneusement.Je sais.Longtemps j’ai souri.J’ai affiché en permanence ce masque, cette illusion.Un sourire si l’on y pense bien, c’est tellement simple.Juste un petit effort musculaire, les lèvres qui se retroussent, découvrent les dents.Un commandement minuscule aux zygomatiques: après tout, ce sont vos muscles, ils doivent obéir à votre volonté.Si votre cerveau commande, ils n’ont qu’à la fermer et obéir.Pouvoir microscopique, mais pouvoir quand même.Si on s’applique vraiment, on peut même arriver à plisser les yeux, ce qui fera dire aux gens qui en bénéficient: c’est un vrai sourire.Il n’est pas plus vrai qu’autre chose, pas plus réel.Il est simplement très bien mis en oeuvre.Copié.Un sourire ne coûte rien, dit on.Alors j’ai souri jusqu’à plus soif.J’ai failli en payer le prix.J’ai failli en perdre la raison.A ne plus savoir qui j’étais vraiment.Pourtant, c’était la seule façon.De grandir.De ne pas être écrasée.Dans le sourire de cette gamine, beaucoup verraient simplement le plaisir d’être prise en photo, la clarté d’une jolie journée de printemps ensoleillée, l’innocence fragile de l’enfance, un moment rare et précieux capturé, une intimité entre le photographe et son modèle.Peut être son père, fier de sa fille, qui profiterait d’une pause dans les travaux qu’il effectue aux abords de la maison pour fixer ce moment entre eux.Peut être qu’on imaginerait qu’en allant chercher l’appareil photo, il se serait servi dans le frigo: une bière en bouteille pour lui, ruisselante de condensation, qu’il prendrait plaisir à poser sur son front pour se rafraîchir quelques instants, avant de la décapsuler, et d’en boire une gorgée, au frais, dans la cuisine.Il aurait ramené un jus d’orange à la gamine, celui avec la pulpe, parce que c’est celui qu’elle préfère.Elle aime quand les morceaux viennent à buter contre ses dents quand elle arrive à bout du liquide.Sa langue ausculte les parois du verre, dans l’espoir qu’il en reste.Et même, avec son doigt, elle recueille le moindre de ces petits délices.Ça aurait pu.Mais dans cette histoire le père n’existe pas… Enfin pas au sens classique.Il a été là, au moins pendant un temps.Le temps d’une histoire pseudo romanesque: des amoureux, une fille qui s’enfuit un jour par une fenêtre, une vie commune entamée comme des enfants, gérée comme des ados en crise, un ventre qui s’arrondit, les ennuis qui commencent.La réalité.Les verres, les copains, les coups.Les conneries, les disputes, les coups.Les rires, les soirées, les coups.Les factures qu’on jette à la poubelle plutôt que de les ouvrir, comme investi d’un pouvoir magique: « si je les ouvre pas, si elles disparaissent, alors j’aurai rien à payer ».Enfantin.Infantile? Ces deux ados qui n’ont pas grandi, ce sont mes parents.Évidemment, quand j’arrive dans leur vie, c’est pire que tout.Je suis à la fois la poupée, qu’on habille, qu’on pose dans un coin, pour faire joli.Et cet insupportable piqûre de rappel: Responsabilités.« Tu dois rentrer pas trop tard ce soir.Tu dois ramener des légumes pour nourrir la petite.Pense à stériliser les biberons.Sois un adulte.Pense moins aux virées avec les copains.»Je ne sais de cette période que ce qu’on en a bien voulu me dire.J’imagine assez bien ce qu’il en a été.Les courses poursuites dans l’escalier, les lendemains de cuite, les yeux au beurre noir dissimulés derrière des lunettes de soleil en plein hiver, les retours d’affection un peu dingues.L’amour qu’on fait sur un sommier défoncé.Le manque de fric.C’est une constante.De petits morceaux de ciel bleu sûrement, un premier mot d’enfant, une soirée qui se passe bien.Les restaus avec les potes, la prodigalité insensée de mon père qui n’a rien, mais donne tout.Des relents de bière, d’alcool et de rancoeur.Mes premiers souvenirs ne remontent pas si loin.Pourtant, c’est une période essentielle de ma vie.C’est ce qui a déterminé le reste.Ma mère.Mais elle, on en parlera plus tard.Pour une fois, je voudrais être la vedette un peu.Celle dont on parle.Elle prend tellement de place qu’on ne pourra la passer sous silence bien longtemps.Mais au moins pour ce début, on va se passer d’elle.Mon père.Un grand baraqué, costaud.Fort en gueule.Un déménageur.Maintenant pour parler de lui, on le comparerait sûrement à un rugbyman
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