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.Comme les gens accouraient du magasin et d’ailleurs pour s’installer sur la berge et assister à la débâcle, il y eut une deuxième explosion.Des débris de glace et des morceaux de bois volèrent.On interdit aux enfants de s’approcher.Quelques fermiers arrivés sur place hélèrent Huttunen pour lui demander que faire.Ils voulaient aider.Mais Huttunen était si pressé et débordé qu’il n’avait pas le temps de donner des directives à l’assistance.Il saisit une scie et une hache, courut sur la bordure du canal d’amenée jusqu’à la brèche, sauta par-dessus les rondins du barrage et les blocs de glace, enfonçant dans l’eau à mi-cuisses, atteignit la terre ferme et commença à mesurer du regard les fiers sapins de la berge comme s’il avait l’intention de se mettre à bûcheronner.« Le Nanar est si pressé qu’il a plus le temps d’hurler, fit le gros Vittavaara.— L’a plus le temps de jouer les élans ou les ours, et pourtant y aurait du public », dit quelqu’un, et les gens rirent, mais le gardien de la paix Portimo, un vieil homme tranquille, leur intima de se taire.« Ricanez pas devant un qui a des ennuis.»Huttunen choisit un grand sapin qui poussait juste au bord de l’eau.En quelques coups énergiques, il l’entailla au pied, visant droit la rive opposée de la rivière.Il se pencha pour scier l’arbre.Les spectateurs restés sur l’autre berge se demandèrent pourquoi le meunier se mettait soudain à couper du bois ; le plus important, en cet instant critique, n’était-il pas de sauver le moulin ? Un valet du nom de Launola, venu à la hâte du village, remarqua :« Il a complètement oublié son moulin et ne pense plus qu’à bûcher ! »Huttunen l’entendit de l’autre rive.Il vira au rouge, derrière son sapin, les veines de ses tempes se gonflèrent, il faillit se redresser et lancer une réplique au valet, mais continua malgré tout à scier frénétiquement.Le sapin géant commença à vaciller.Huttunen retira la lame de scie de sa fente, puis appuya avec le fer de sa hache sur l’énorme tronc, qui se mit en mouvement.La pesse au feuillage touffu tomba dans le fleuve en crue, écrasant sous elle les glaces accumulées contre le barrage.Un murmure parcourut le groupe de villageois.On comprenait maintenant le but de l’opération : le tronc, sous la pression de l’eau, se plaça doucement le long du barrage, où il s’immobilisa, faisant obstacle aux glaces arrivant de l’amont.Sous le fût, à travers les branches, l’eau se ruait librement dans le canal d’amenée démoli de la scie à bardeaux, mais elle ne charriait plus de glace et le danger se trouvait d’un coup écarté.Gunnar Huttunen essuya la sueur de son visage, regagna le moulin par le pont, traversa le bâtiment et parut devant l’assistance qui l’attendait.Il grogna à l’adresse du valet Launola :« Et voilà le bûcheronnage.»Les spectateurs commencèrent à se tortiller, gênés.Les hommes regrettèrent en chœur de n’avoir pas eu le temps de venir en aide au meunier… On le félicita, quelle idée géniale, Nanar, de faire tomber ce sapin dans la rivière.Bien que le passionnant spectacle fût terminé, les villageois hésitaient à partir, au contraire, même, il venait encore du centre des habitants plus lents et en dernier la corpulente mère Siponen, qui demanda essoufflée s’il s’était passé beaucoup de choses avant son arrivée.Huttunen prépara encore une charge d’explosifs et claironna d’une voix forte :« La distraction a été trop courte ? On va encore vous en offrir, pour qu’une assemblée aussi nombreuse ne se soit pas déplacée pour rien ! »Le meunier se mit à faire la grue.Il craquetait, debout sur un pied au bord de l’amenée d’eau, glapissait, tendait le cou, faisait mine de chercher des grenouilles dans le canal.Le public, embarrassé, se prépara à quitter la colline.On essaya de calmer Huttunen, quelqu’un gémit qu’il était bien fou.Avant que la foule ait eu le temps de se disperser, Huttunen alluma la mèche, qui se mit à brûler en sifflant vilainement.Les villageois prirent leurs jambes à leur cou.La ruée fut rapide, mais beaucoup ne purent s’éloigner que de quelques foulées avant que Huttunen jette la charge dans la rivière et qu’elle explose.Dans un bruit sourd, la bombe projeta sur la berge de l’eau et des éclats de glace, trempant la foule.Les gens fuirent en hurlant, ne s’arrêtant que parvenus à la grand-route, d’où ils lancèrent de furieuses invectives.3Dès la décrue, Gunnar Huttunen entreprit de réparer les dégâts subis par le moulin.Il commanda à la scierie trois charretées de bois — poutres, madriers, planches.Il acheta au marchand Tervola deux boîtes de clous, l’une de goujons et l’autre de pointes de quatre pouces.Au village, il embaucha trois valets de ferme désœuvrés pour enfoncer des pieux dans le barrage rompu.Quelques jours plus tard, on pouvait à nouveau régler la puissance de la rivière du Moulin grâce à la vanne aménagée dans le barrage reconstruit.Huttunen renvoya les valets dans leurs foyers et s’attaqua à la réparation du canal d’amenée.Il le refit entièrement à neuf entre le barrage et la roue de la scie à bardeaux.Une charrette et demie de planches de cinq pouces y passa.C’étaient de belles journées d’été.Le vent était doux, le bâtisseur d’excellente humeur.Huttunen était habile de ses mains et aimait ce travail de charpentier.Son chantier l’occupait tellement qu’il prenait à peine le temps de dormir.Il courait au canal d’amenée dès quatre, cinq heures du matin, taillait des planches et des chevrons jusqu’au lever du jour, allait se faire un peu de café dans la salle du moulin et retournait bien vite au travail.Au plus chaud de la journée, il allait s’étendre une heure ou deux dans son logis, s’endormait même souvent, pour se réveiller l’après-midi reposé et plein d’ardeur.Il mangeait et se reprécipitait aussitôt au canal d’amenée.Tard dans la nuit, on entendait encore au moulin de la Bouche résonner la hache et le marteau.Au village, on murmurait que Nanar était doublement fou : dans sa tête, d’abord, et puis fou de travail en plus.Dix jours plus tard, le canal d’amenée était prêt, bien étanche.Il conduisait les eaux de la rivière du barrage au point où on en avait besoin pour alimenter en énergie le moulin et la scie à bardeaux.Huttunen passa à la réfection de la roue à eau de la scie.Ses aubes devaient être complètement refaites, mais il fallait dire qu’elles étaient vermoulues.Le moyeu était encore en bon état, constata Huttunen.Il suffisait de changer d’un côté le tourillon et le cerceau, et ce serait parfait.Le meunier se mit en caleçon et entra dans la rivière pour mettre en place la roue à aubes réparée
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