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.Cela a dû être affreux pour vous.- En effet.Et ça l'est toujours.- Je n'imagine pas comment.- La plupart des gens en sont incapables, interrompit Frannie avant de reprendre une gorgée de son Mai Tai.Sauf peut-être Catherine Hearst.Elle vient me voir, parfois.Elle est tellement charmante ! Euh.Cela vous ennuierait-il que je vous montre quelque chose ?- Bien sûr que non.La matriarche s'excusa et revint un moment plus tard avec la preuve, désormais tellement dépenaillée qu'on avait du mal à l'identifier.- Ils appartenaient à DeDe, fit-elle.- Des pompoms.J'ai été pompom girl aussi, vous savez.- DeDe m'avait demandé de les lui envoyer, continua Frannie, quand elle était à Jonestown.Elle s'en servait quand elle était au Sacré-Coeur, et elle s'était dit que ce serait mignon de les avoir au Guyana pour les matches de basket.Elle tripota son sous-verre.- On les a retrouvés avec ses affaires.après.- Elle.euh.elle était pompom girl au Guyana ?Frannie hocha la tête.- Juste pour rire.Ils avaient une équipe de basket, vous savez.- Non, répondit prudemment Prue.En fait, je l'ignorais.- DeDe était une femme d'action, Prue.Elle aimait la vie plus que tout.J'ai fait vérifier qu'elle et ses enfants n'étaient pas parmi les morts de Jonestown.Et au fond de mon coeur, mes instincts les plus primaires me disent qu'ils ont réussi à s'enfuir et qu'ils sont encore en vie.- Quand se seraient-ils enfuis ?- Je ne sais pas.Avant.Peu importe.- Mais les autorités n'ont-elles pas présumé que.?- Ils ont présumé des tas de choses, ces imbéciles ! Ils m'ont dit qu'elle était morte avant même de vérifier si son cadavre se trouvait là-bas.Frannie se pencha vers Prue et la regarda d'un air implorant.- Je sais que ce n'est pas la première fois que vous entendez cela.Mais je vous ai fait venir pour que vous m'aidiez à rendre publics des faits nouveaux.- Je vous en prie, dit la journaliste.Continuez.- J'ai vu une voyante cette semaine.Tout à fait digne de confiance.Elle m'a affirmé que DeDe, son amie et les enfants sont en vie, quelque part dans un petit village d'Amérique du Sud.Silence.- Je ne suis pas une pauvre hystérique, Prue.Généralement, je ne souscris pas à ces histoires.Mais cette femme était tellement formelle ! Elle a tout vu : la cabane, les nattes sur lesquelles elles dormaient, les villageois sur la place du marché, ces délicieux petits enfants qui couraient tout nus dans le.La voix de Frannie se brisa.Elle sentit que son sang-froid l'abandonnait.- Je vous en prie, aidez-moi, supplia-t-elle.Je ne sais pas à qui d'autre m'adresser.Prue se pencha en avant et lui prit la main.- Vous savez que je vous aiderais, Frannie, s'il y avait le moindre moyen de.Mais les journaux et les stations de télé sont sûrement mieux à même de s'occuper de ce genre de choses, non ?Son interlocutrice se raidit.- Je les ai déjà contactés.Vous ne pensiez tout de même pas que je m'adresserais à vous en premier ?Mais à quoi cela servait-il ? Cette femme ridicule était comme les autres, elle l'écoutait gentiment comme si elle avait été une vieille gâteuse.Frannie laissa tomber complètement le sujet et expédia le déjeuner avant de reconduire au plus vite son invitée jusqu'à la porte, sans plus de cérémonie.À trois heures, elle était repartie se coucher et buvait des Mai Tai en regardant la petite télévision portable ronde que lui avaient offerte DeDe et Beauchamp après la mort d'Edgar.Le film qui passait ce jour-là était Vacances à Venise, avec Katherine Hepburn, l'un des préférés de Frannie.Entre les annonces publicitaires, une jolie jeune fille signalait les bonnes affaires : par exemple, où trouver dans le quartier de Walnut Creek-Lafayette des produits soldés parce qu'ils avaient simplement un léger défaut.Frannie coupa le son et se servit un autre Mai Tai.Quand elle se retourna vers la télévision, elle faillit renverser son verre.Ce visage ! Mais oui, c'était l'ancienne secrétaire d'Edgar ! Frannie ne l'avait pas vue depuis au moins quatre ans.Depuis les obsèques de Beauchamp, probablement.Comment s'appelait-elle, d'ailleurs ? Mary Jane quelque chose.Non.Mary Lou ?Frannie remonta le son.- C'était Mary Ann Singleton, gazouillait la jeune fille.Je vous souhaite de bonnes affaires !Mary Ann Singleton."Peut-être, songea Frannie.Pourquoi pas.?"Jouer les utilités.Après presque deux années passées comme figurante dans le milieu de la télévision, Mary Ann Singleton était enfin devenue une femme de télévision.Son émission, Bonnes Affaires, tentait de pimenter le film de l'après-midi en donnant aux téléspectateurs de la Baie des idées de shopping.Après tout, c'étaient les années quatre-vingt.En revanche, les films restaient solidement ancrés dans les années cinquante-soixante : c'étaient de bons vieux classiques de l'écran comme La Fièvre dans le sang ou Le Secret de Santa Vittoria ou celui d'aujourd'hui, Vacances à Venise.Des films qu'on appelait "films pour femmes" avant l'âge d'or du féminisme.Le moment de gloire de Mary Ann se réduisait à un spot de cinq minutes au milieu du film.La formule était relativement monotone : produits à l'emballage abîmé, produits soldés, parapluies chinois qui faisaient de pimpants abat-jour, parfums à fabriquer soi-même, magasins qui vendaient des pâtes fraîches, astuces pour réutiliser de vieilles boîtes à café.Bref, des choses que Michael persistait à appeler "des trucs de grand-mère"
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