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.— Vous avez une bien belle maison, madame Devon.Vraiment jolie.Elle me plaît beaucoup.— Merci, répondit-elle froidement, sans prendre la peine de corriger l'erreur sur son statut marital.— Un homme pourrait être heureux ici, vraiment heureux.La demeure de style espagnol, à deux étages, surmontée d'un toit de tuiles rouges, offrait à la vue ses stucs d'ivoire, ses vérandas, ses balcons, aux courbes harmonieuses sans aucune ligne droite.Des bougainvillées luxuriantes grimpaient le long de la façade nord en une myriade de fleurs chatoyantes.L'endroit était effectivement fort joli.Nora l'avait en horreur.Elle habitait ici depuis qu'elle avait deux ans, ce qui faisait vingt-huit ans, et, pendant toutes ces années, sauf une, elle avait vécu sous la coupe de sa tante Violet.Elle n'avait pas eu une enfance heureuse, ni, jusqu'à présent, une vie heureuse.Violet Devon était morte l'année précédente, mais, à vrai dire, Nora était encore opprimée par le souvenir de cette vieille femme détestable, tyrannique, écrasante.Dans le salon, Streck posa sa boîte à outils près du poste et marqua une pause pour regarder autour de lui.Un papier peint sombre, funéraire, un tapis persan étrangement repoussant.Les couleurs, gris, marron, bleu roi, n'étaient pas même rehaussées par les quelques touches de jaune passé.D'imposants meubles anglais du milieu du XIXe siècle, aux lourdes moulures, se dressaient sur leurs pieds biscornus : des fauteuils massifs, des placards qui auraient mieux convenu au Dr Caligari, des buffets qui semblaient peser une demi-tonne chacun.Les petites tables disparaissaient sous de pesants brocarts.Les lampes, aux pieds d'étain ou de céramique brune, ne dispensaient qu'une faible lumière.Les tentures, d'une souplesse de plomb, encadraient les rideaux jaunâtres qui ne laissaient filtrer qu'une lueur moutarde.Rien dans la pièce ne rappelait l'architecture espagnole ; Violet avait volontairement imposé son mauvais goût à la demeure.— C'est vous qui avez décoré ?— Non, ma tante, répondit Nora près de la cheminée de marbre, aussi éloignée que possible.C'était sa maison, j'en ai hérité.— À votre place, je virerais tout ça.Cela pourrait être une pièce très gaie.Excusez-moi, mais cela ne vous ressemble guère.Ça irait pour une vieille fille.C'était une vieille fille, hein ? Ouais, je l'aurais parié ! Oui, c'est bon pour une vieille fille, mais pas pour une ravissante jeune femme comme vous.Nora aurait voulu lui rabattre son caquet, mettre fin à son impertinence et lui ordonner de réparer la télévision au plus vite, mais elle ne savait pas se défendre seule.Tante Violet la voulait toujours soumise, obéissante.Streck lui souriait ; un coin de sa bouche se relevait de manière déplaisante, méprisante.— Ça me plaît comme ça., dit-elle.— Pas possible !— Mais si.— Alors, qu'est-ce qui ne va pas dans cette télé ?— L'image ne cesse de défiler.Et puis, il y a de la neige.Il éloigna le poste du mur, l'alluma et étudia l'image.Il sortit une petite lampe de poche et éclaira le dos du poste.La vieille horloge sonna le quart avec un coup qui résonna dans toute la maison.— Vous regardez beaucoup la télévision ?— Non, pas vraiment.— Moi, j'aime bien les feuilletons idiots, Dallas, Dynasty.Tous ces trucs.— Je ne les regarde jamais.— Oh ! Allez, je parierais le contraire.Tout le monde les regarde, même si personne ne veut l'admettre.Il n'y a rien de mieux que toutes ces histoires de coups en douce, d'escroqueries, de mensonges, d'adultères.Vous comprenez de quoi je parle ? Les gens regardent en cachette et, ensuite, ils s'offusquent.« Mon Dieu, c'est vraiment ignoble ! » Mais en fait, ça leur plait.C'est la nature humaine.— Euh.je dois aller à la cuisine, dit Nora nerveusement.Appelez-moi quand vous aurez fini.Tremblante, elle quitta la pièce.Elle se reprochait sa faiblesse, la facilité avec laquelle elle s'abandonnait à la peur, mais on ne se refaisait pas.Une souris timorée.Tante Violet lui disait souvent : « Il y a deux catégories de personnes, les chats et les souris.Les chats vont où ils veulent, font ce qu'ils veulent, prennent ce qu'ils veulent.Ils sont agressifs et autonomes de nature.Les souris, elles, n'ont pas pour deux sous d'agressivité.Elles sont vulnérables, douces et timorées, elles gardent la tête baissée et acceptent ce que la vie leur donne.Toi, tu es une souris.Ce n'est pas si mal que ça.Les souris peuvent être parfaitement heureuses.Elles n'ont pas des vies aussi mouvementées que les chats, mais elles vivent beaucoup plus longtemps et ont beaucoup moins d'ennuis.»Un chat rôdait dans le salon et réparait la télévision.Nora, dans sa cuisine, tremblait comme une souris.Elle n'avait rien sur le feu, contrairement à ce qu'elle avait prétendu.Pendant un instant, elle resta debout devant l'évier, les mains glacées agrippées l'une à l'autre — elle avait toujours les mains froides — à se demander ce qu'elle pourrait bien faire avant qu'il s'en aille.Elle décida de préparer un gâteau.Un quatre-quarts avec un glaçage au chocolat.Ça l'occuperait et l'empêcherait de repenser au coup d'œil suggestif de Streck.Elle sortit mixeur, ustensiles et ingrédients et se mit au travail.Bientôt, les tâches domestiques l'apaisèrent.Elle venait juste de verser la pâte dans les deux moules lorsque Streck entra dans la cuisine.— Vous aimez faire la cuisine ? De surprise, elle faillit laisser tomber bol et spatule mais parvint malgré tout à les tenir en main et, avec un léger tremblement qui trahissait sa nervosité, à les placer dans l'évier.— Oui.— C'est merveilleux.J'adore les femmes qui aiment les travaux féminins.Vous faites de la couture, du crochet, de la broderie ?— De la tapisserie.— C'est encore mieux !— La télévision est réparée ?— Presque.Nora était prête à enfourner les gâteaux, mais elle ne voulait pas les porter devant Streck de peur de trop trembler.Il comprendrait sûrement qu'elle était intimidée et en profiterait pour s'enhardir un peu plus.Elle les laissa sur le plan de travail et ouvrit l'emballage du glaçage.Streck avança, d'un pas souple et décontracté, regardant tout autour de lui d'un air aimable, mais se dirigeant néanmoins droit vers elle.— Vous pourriez me donner un verre d'eau ?Nora soupira presque de soulagement, tant elle avait envie de croire que c'était vraiment la seule chose qu'il désirait.— Oui, bien sûr.Elle prit un verre dans le placard et fit couler l'eau.Quand elle se retourna pour le lui tendre, il se trouvait juste derrière elle.Il s'était approché, aussi silencieux qu'un chat.Malgré elle, elle sursauta.De l'eau se renversa sur le sol.— Vous.— Merci, dit-il en prenant le verre.—.m'avez fait peur.— Moi ? dit-il en la fixant de ses yeux d'un bleu de glace.Oh, je ne voulais pas, excusez-moi.Je suis désolé.Je suis inoffensif, vous savez, madame Devon.Tout ce que je voulais, c'était un verre d'eau.Vous n'imaginiez tout de même pas que je voulais autre chose ?Non mais, quel culot ! Elle en croyait à peine ses oreilles.Aussi insolent, froid, agressif ! Elle aurait aimé le gifler, mais elle redoutait les conséquences.Le gifler
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