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.Elle s’enfonçait mais percevait toujours l’inquiétude du jeune Ancien qui se taisait.Quand il prit enfin la parole, elle entendit ses pensées plus que ses mots.« Les gens du Désert des Pluies aimeraient récupérer les coques de ceux qui meurent ; ils appellent ce matériau « bois-sorcier » et lui trouvent toutes sortes d’usages utiles, dans…— NON ! » La violente réaction de la dragonne tira un instant Sisarqua de l’inconscience, mais son organisme était à bout de forces et aussitôt elle sombra de nouveau, et la voix de Tintaglia la suivit dans une strate encore en dessous des rêves.« Non, petit frère ! Tout ce qui est des dragons n’appartient qu’aux dragons.Le printemps venu, certaines de ces coquilles s’ouvriront, et les dragons qui en sortiront dévoreront les cocons et les cadavres de ceux qui n’auront pas survécu.Telle est notre coutume, et ainsi nous préservons notre savoir : ceux qui meurent donnent leur force à ceux qui survivent.»Sisarqua ne disposa que d’un instant pour se demander dans quelle catégorie elle se trouverait, et puis les ténèbres l’engloutirent.Dix-septième jour de la Lune de l’EspoirSeptième année du Règne du Très Noble et Magnifique Gouverneur CosgoPremière année de l’Alliance Indépendante des MarchandsDe Detozi, Gardienne des Oiseaux, Trehaug, à Erek, Gardien des Oiseaux, TerrilvilleVous trouverez ci-joint une intimation officielle du Conseil du Désert des Pluies pour un paiement équitable des dépenses supplémentaires et imprévues que nous valent l’entretien et la surveillance des cocons de serpents pour la dragonne Tintaglia.Le Conseil demande une prompte réponse.Erek,Une brusque inondation de printemps nous a touchés de plein fouet.Énormes dégâts subis par certaines coquilles de dragons, dont certaines ont disparu.Une petite péniche a chaviré sur le fleuve, sans doute celle qui transportait les jeunes pigeons que je vous envoyais, hélas ; ils sont tous perdus.Je laisserai mes oiseaux pondre davantage, et je vous ferai parvenir les petits dès qu’ils s’emplumeront.On ne reconnaît plus Trehaug, tant elle grouille de Tatoués ! Mon maître m’a dit que je ne devais pas dater mes lettres en fonction de notre indépendance, mais je brave son interdiction ; la rumeur deviendra réalité, j’en suis convaincue !Detozi1L’homme du fleuveC’était le printemps, normalement, mais il faisait un froid de chien, surtout pour dormir sur le pont au lieu de passer la nuit dans le rouf.Hier soir, réchauffé par le rhum, avec un ruban d’étoiles lointaines qui scintillaient par une ouverture dans la voûte de la forêt vierge, l’idée l’avait enthousiasmé ; l’air ne lui avait pas paru trop frais, les insectes stridulaient dans les arbres, les oiseaux échangeaient des gazouillis tandis que les chauves-souris filaient au-dessus du fleuve en pépiant : superbe nuit pour s’allonger sur le pont du bateau, admirer le monde qui l’entourait, savourer le fleuve, le désert des Pluies, sa propre place dans l’univers.Mataf le berçait doucement, et tout était bien.À présent, dans l’aube gris-fer, les vêtements imprégnés de rosée, les articulations ankylosées, il avait l’impression de s’être laissé aller à une fredaine stupide plus digne d’un adolescent que d’un batelier qui approchait la trentaine.Il se redressa lentement et poussa un long soupir qui fuma dans l’air immobile et froid, et qu’il fît suivre d’un rot venu du cœur et d’autres tréfonds, parfumé au rhum de la veille.Puis, maugréant, il se mit debout, vacillant, et parcourut les alentours du regard.Le matin ; d’accord.Il s’approcha du bastingage et se soulagea dans le fleuve en contemplant le jour qui se levait.Au-dessus de lui, dans les hauts sommets des arbres, des oiseaux chantaient entre eux ; mais, dans le sous-bois, au bord de l’eau, l’aube et l’éclat du jour n’arrivaient qu’atténués.La lumière tombait à peine, tamisée par des milliers de nouvelles feuilles et dépouillée de toute chaleur.Quand le soleil monterait, il brillerait sur le fleuve et ses rayons perceraient la voûte de la forêt, mais il s’en fallait de plusieurs heures.Leftrin s’étira puis fit rouler ses épaules ; sa chemise lui collait désagréablement à la peau.Ma foi, il l’avait bien mérité ; si un de ses hommes avait été stupide au point de s’endormir sur le pont, c’est ce qu’il lui aurait dit.Mais aucun n’avait commis cette bêtise : les onze marins dormaient dans les couchettes étroites superposées le long de la paroi arrière du rouf, tandis que sa propre couchette, plus large, demeurait vide.Crétin !Ce n’était pas encore l’heure du réveil ; dans le fourneau de la coquerie, le feu restait sous la cendre, on n’avait pas mis d’eau à bouillir pour le thé, nulle galette ne mijotait sur la grille ; et pourtant, il était bien réveillé, et il avait envie de retourner se promener sous les arbres, impulsion étrange qui ne se fondait sur rien de rationnel mais dont il connaissait l’origine : les rêves oubliés de la nuit dernière.Il tenta de se les rappeler, mais les lambeaux de ses songes se muèrent en fils de toile d’araignée et disparurent.Il tenait toutefois à suivre cette inspiration rémanente ; il n’avait jamais rien perdu à écouter ses envies subites, et il avait regretté presque inévitablement les rares occasions où il n’y avait pas prêté attention.Il traversa le rouf puis la petite coquerie pour gagner sa cabine à l’avant.Là, il changea ses chaussures de pont contre des bottes ; le cuir graissé des cuissardes était quasiment troué à force d’usure : les eaux acides du fleuve du désert des Pluies agressaient souliers, vêtements, bois ou peau.Mais ses bottes supporteraient encore une virée ou deux à terre, et par conséquent sa peau aussi.Il décrocha sa veste, la jeta sur son épaule et rentra dans le rouf, où il donna un coup de pied dans la couchette du timonier.Souarge leva brusquement la tête et le regarda d’un air vague.« Je descends à terre me dégourdir les jambes ; je serai sans doute revenu pour le petit déjeuner.— Bien », fit Souarge, ce qui représentait à la fois la seule réponse acceptable et la limite de ses talents en matière de conversation.Avec un grognement, Leftrin quitta le rouf.La veille, ils avaient échoué la péniche sur une rive marécageuse et l’avaient attachée à un arbre penché.Leftrin se laissa glisser le long du bout depuis la proue camarde jusqu’aux roseaux crottés de boue ; les yeux peints de la péniche contemplaient la pénombre du sous-bois.Dix jours plus tôt, un vent chaud et de violents orages avaient gonflé le fleuve du désert des Pluies, dont les eaux avaient débordé de leur lit pour inonder les berges basses.Depuis deux jours, elles avaient baissé, mais la végétation avait souffert d’être restée plusieurs jours sous les flots limoneux de la crue.Les roseaux ployaient sous le poids de la boue, qui avait écrasé la plupart des herbes, et des mares demeuraient sur la rive ; quand Leftrin se mit en route, ses pieds s’enfoncèrent et l’eau remplit peu à peu les empreintes qu’il laissait.Il ignorait où il allait et pourquoi il y allait ; le nez au vent, il s’éloignait du fleuve pour s’enfoncer dans l’ombre des arbres festonnés de plantes grimpantes.Là, les signes de la récente inondation étaient encore plus manifestes : branches prises entre les troncs, amas boueux de feuillages et de lianes accrochés aux arbres et aux buissons, dépôts de limon sur la mousse épaisse et la végétation rase [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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