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.Après avoir pris une respiration profonde, il répondit, laconiquement :— Je comprends.Puis, voyant les deux gardes se diriger vers lui, il ajouta :— Inutile de me donner une escorte.Je saurai trouver tout seul le chemin de la sortie.Le roi l’observa un instant.Comme le regard de Simon ne vacillait pas, il haussa les épaules.— Très bien.Mais je tiens à ce que vous ne quittiez pas la ville.Et rappelez-vous que j’ai le pouvoir de vous ôter Avington.Vous pourriez d’ailleurs, par la même occasion, y laisser la vie, car ma patience et mon indulgence ont des limites.L’indulgence du roi Jean ? Simon se demandait ce qu’il fallait entendre par là.Il ne répondit pas, et s’inclina.— Maintenant laissez-moi, fit le roi avec un geste de la main.Simon tourna les talons et quitta la pièce.Il se dirigea vers les écuries, insensible au vent d’automne qui traversait ses vêtements.Sa propre vie était en jeu, et, plus encore, Avington.A présent que son père était mort, il commençait à comprendre pourquoi ce domaine avait tant compté pour lui.Aujourd’hui, plus que jamais, Simon comprenait ce que signifiait être responsable non seulement des biens de sa famille, mais aussi des hommes et des femmes qui vivaient sur ses terres et dépendaient de lui.C’est en revenant de Terre sainte qu’il avait éprouvé ce sentiment pour la première fois, quand il avait appris que, sitôt connue la mort de son frère, Kelsey avait tenté de pénétrer dans le château d’Avington avec ses hommes.Le régisseur avait réussi à l’éloigner, en lui déclarant que la mort du maître des lieux et l’absence de son successeur lui interdisaient de laisser entrer quiconque n’aurait pas un ordre signé du roi.Seul le retour de Simon avait empêché que Kelsey n’obtînt cet ordre.Depuis ce jour, Simon sentait grandir en lui sa vieille haine contre Kelsey.Mais il se rendait compte que c’était folie de faire d’un homme aussi dangereux un ennemi personnel.Jarrod et Christian, revenus de Terre sainte avec leur ami, avaient insisté pour l’aider à faire payer à Kelsey ses audaces.Quand Simon leur avait fait valoir que cette querelle n’était pas la leur, ceux-ci lui avaient répondu que Kelsey leur avait fait du tort à eux aussi.Ils n’étaient que des enfants quand il avait tué le Dragon et pris ses terres.Mais à présent qu’ils étaient devenus des hommes, endurcis par les épreuves et par la guerre, ils n’entendaient pas laisser Simon les priver de la chance de pouvoir prendre leur revanche sur celui qui leur avait fait tant de mal.Ces pensées rappelèrent à Simon que les deux seuls hommes en qui il avait toute confiance sur cette terre l’attendaient pour savoir ce qui s’était passé au château de Windsor.Il n’avait pas été peu surpris de les voir entrer la veille au soir, l’un après l’autre, dans l’auberge où il était descendu en arrivant en ville, deux jours plus tôt.Ni l’un ni l’autre n’avait voulu avouer comment il avait appris la présence de Simon à Windsor, mais c’était, à n’en pas douter, par le régisseur d’Avington.Devant le roi, le témoignage de ces deux amis lui aurait été certainement précieux, mais Simon avait préféré refuser ce soutien, de peur que Kelsey ne les accusât de complicité.Simon éperonna son cheval pour lui faire presser l’allure.Il était si préoccupé qu’il ne vit qu’au dernier moment un chariot qui barrait la route.Son cheval s’arrêta brusquement.Comme il s’en avisa au premier regard, le chariot avait perdu une roue.Plusieurs hommes, vêtus de cottes de mailles qui les désignaient pour des soldats, s’employaient à soulever la voiture afin de remettre la roue en place.Sur le bord de la route, quelques chevaux de bonne race, au nombre desquels Simon remarqua une magnifique jument d’un noir lustré, étaient attachés à un arbre.Il y avait là, aussi, deux femmes, qui observaient la scène.L’une, la plus jeune, portait un long manteau de velours bordeaux ; l’autre un vêtement semblable, de bonne laine.Simon en conclut qu’il se trouvait en présence d’une dame de la noblesse, de sa suivante et de leur escorte qui, manifestement, se rendaient à la cour.Oubliant un instant ses soucis, il s’avança pour leur proposer son aide.— Puis-je vous être utile en quoi que ce soit ? demanda-t-il après avoir salué les deux femmes.La plus jeune tourna la tête vers lui.Quand Simon rencontra son regard, il en demeura saisi.Elle avait des yeux d’une couleur rare, qui faisait penser à celle de la fleur du lilas en bouton.Ses traits réguliers, son nez droit, ses pommettes hautes, sa peau d’albâtre rappelaient à Simon les statues des temps païens qu’il avait vues en Italie, et ses lèvres étaient si colorées qu’il ne put s’empêcher de les comparer à de savoureuses baies sauvages.Autour de son visage, sous le capuchon, ses cheveux noirs tombaient en boucles lourdes jusqu’à ses épaules, parcourus des subtils reflets fauves qu’y mettait la lumière du matin.Elle était belle, indéniablement, irréprochablement belle.Il fallut un moment à Simon pour comprendre que ces lèvres parfaites s’étaient mises à bouger pour répondre à sa question, qu’il avait déjà oubliée.La voix de la jeune femme, un peu voilée, était douce et modulée.Elle fit à Simon la même impression que la beauté de son visage.— Je ne pense pas, messire, répondit-elle.Puis, montrant de la main ses hommes, occupés à relever la voiture, elle ajouta :— Il me semble qu’il y a assez de bras.C’était là une façon très ferme de décliner l’offre de Simon.Mais ce pouvait être aussi la réponse polie d’une jeune femme de bonne naissance qui souhaitait ne pas abuser de la courtoisie d’un étranger.Simon se surprit à poser une autre question, qu’il trouva d’ailleurs déplacée :— Vous rendez-vous à la cour ?La jeune femme baissa les yeux, et Simon remarqua ses cils longs et noirs, qui contrastaient avec la blancheur de sa peau.Puis elle leva de nouveau le regard sur lui, pour lui répondre :— Milord, j’apprécie vraiment votre sollicitude, mais je vous assure que nous n’avons pas besoin d’aide.Sachez, en outre, que mon père n’apprécierait pas d’apprendre que je bavarde sur le bord des routes, sans raison sérieuse, avec de parfaits inconnus.Simon se reprocha de se conduire comme un goujat en prolongeant cet entretien.Il était d’autant plus embarrassé qu’il sentait tout ce qu’il pouvait y avoir de trouble dans sa générosité.— Je vous prie de me pardonner, madame, dit-il en s’inclinant.Je n’avais pas l’intention de vous importuner en manifestant un empressement dont vous devez être trop souvent la victime.La jeune femme leva vers lui un regard hésitant, comme si elle le voyait pour la première fois.Simon sourit, avec le désir sincère de la mettre à l’aise.Elle baissa les yeux, puis le regarda de nouveau, gênée peut-être, mais comme désireuse aussi d’aller plus loin.Un des hommes de l’escorte s’approcha.— Quelque chose ne va pas, milady ?— Non, sire Brian.Cet homme me demandait seulement s’il pouvait nous être utile.Je lui ai répondu que nous n’avions pas besoin de son aide et qu’il pouvait passer son chemin.Le regard de sire Brian n’était pas des plus amènes.Mais Simon ne s’en formalisa pas, considérant que cet homme ne faisait que son devoir.Une dernière fois, il souhaita de voir les yeux de la jeune femme, mais il n’y retrouva pas l’expression troublante qu’il y avait lue.Il en ressentit une déception curieuse qu’il ne s’expliqua pas.Après s’être incliné de nouveau, il éperonna son cheval et s’éloigna pour rejoindre, sans plus tarder, Christian et Jarrod qui l’attendaient à l’auberge
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