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.Enfin, il n’y eut plus que la lueur de la lune.Bart-le-Bûcheron titubait, se protégeant toujours les yeux.— Je suis aveugle ! Je suis aveugle ! cria-t-il soudain.Les petits avaient disparu.Là où ils s’étaient trouvés, quelques instants auparavant, il n’y avait plus qu’un cercle d’herbe aplatie, et un léger brouillard qui s’effilochait dans le vent nocturne.Les villageois se saisirent du fou furieux, qui n’opposa aucune résistance.Ils découvrirent les cadavres de la petite Ionie et de Lonia, mais pas ceux d’Hérol et de Mala.On les chercha longtemps dans la forêt, sans résultat ; on en conclut donc que les deux enfants s’étaient trop enfoncés dans les bois et y avaient été victimes d’une bande de loups.Bart-le-Bûcheron ne fut pas livré à la justice du seigneur.On n’allait pas déranger le comte pour un crime aussi abominable, dont le châtiment s’imposait de lui-même.Les anciens se réunirent pour une courte, très courte délibération.Le meurtrier fut ensuite livré à la foule haineuse de tous ceux qu’il avait côtoyés des années durant.Il fut lapidé, assommé.On lui creva les yeux, on lui arracha le sexe – lequel, soit dit en passant, avait repris des proportions tout à fait normales – on lui brisa les dents puis, en fin de compte, on le brûla.Ou plus exactement, on brûla les morceaux de son cadavre.Il y en avait beaucoup.***Les chroniques rapportent qu’en ces temps, nombreux furent les hommes et femmes qui, aux quatre coins du royaume de Vonia, devinrent subitement fous et s’en prirent à leurs proches.Des familles entières furent massacrées par l’un de leurs membres, lequel, son forfait accompli, se laissait généralement arrêter sans se défendre, allant même parfois jusqu’à se suicider.Des épouses tranchèrent la gorge de leur mari durant leur sommeil, puis assassinèrent leurs enfants.De braves gens sans histoire firent irruption chez leurs voisins et, à coups de hache ou de faux, se livrèrent à de véritables carnages.Tout cela au nom d’Arasoth, le dieu tout-puissant.Plusieurs personnes prétendirent avoir été témoins d’un phénomène étrange.Elles avaient vu, assuraient-elles, une aura glacée apparaître alors que la tuerie battait son plein.Et dans cette clarté, certaines des victimes désignées avaient mystérieusement disparu.De celles-ci, on ne retrouva pas la moindre trace ; et les recherches entreprises à leur sujet furent vaines.Un fait frappa les enquêteurs : ces miraculés, si l’on pouvait dire, étaient tous des enfants.***Ils étaient une vingtaine, garçons et filles, ayant apparemment entre cinq et douze ans.Certains pleurnichaient ; les plus petits.D’autres faisaient les braves ; les plus grands.D’autres encore attendaient en silence, assis dans l’herbe au bord de la source qui glougloutait doucement entre les cailloux.Tous avaient conservé dans les yeux la même lueur d’épouvante et d’incrédulité.Ils se demandaient pourquoi.Pourquoi leur père ou leur mère, leur frère ou leur soeur, s’était-il brusquement rué sur eux, un couteau, une faucille, voire une fourchette ou un vulgaire bâton à la main ? Pourquoi avait-il cherché à les tuer ? Pourquoi cette horreur, ce sang et ces cris qu’ils n’oublieraient jamais ?.Et, alors qu’ils savaient qu’ils allaient mourir, qu’ils voyaient au-dessus d’eux le masque hideux et grimaçant de leur bourreau, un visage qui n’appartenait plus à leur compagnon de tous les jours mais au démon, pourquoi cette subite paix ? Pourquoi cette clarté qui s’emparait d’eux et les éloignait brusquement du poignard, de la hache ?Chacun des vingt enfants avait ressenti le même vertige à l’instant où il s’était rendu compte qu’il s’élevait dans les airs, que son corps perdait sa substance, qu’il se fondait dans les nuées d’argent, devenant également scintillement glacé, se muant en une poussière d’étoiles.Quelques-uns avaient crié.D’autres s’étaient mis à pleurer.Certains avaient ri de bonheur.Mais tous avaient perdu conscience du temps, de l’espace, d’eux-mêmes.Tous s’étaient retrouvés dans un univers étrange, où ils n’étaient ni morts ni vifs, et avaient eu l’impression de franchir des milliers de lieues, des milliers de mondes.Cela avait été infiniment long, et pourtant, quand ils avaient repris conscience, ils n’avaient pas vieilli d’une heure, d’une minute.Ils étaient pareils à eux-mêmes, un peu hébétés ou en pleurs, et plusieurs appelaient leur mère.Ils avaient regardé tout autour d’eux, avant de se grouper comme des animaux affolés.A présent, ils se jetaient des coups d’oeil peureux mais curieux ; car ils sentaient, d’instinct, qu’ils allaient désormais être amis, frères et soeurs.A côté d’Hérol et Mala se trouvait une fillette blonde, qui pleurait silencieusement en appelant tout bas une certaine Lamada, avec un drôle d’accent.Hérol lui posa une main sur l’épaule.Sa voisine releva la tête pour le considérer craintivement, et leurs regards plongèrent l’un dans l’autre.Hérol sut immédiatement que la petite s’appelait Mianie, qu’elle vivait dans le village de Potarta, à la frontière du comté de Varik et de la seigneurie de Natrios, que sa mère était ravaudeuse et qu’elle avait tué ses trois fils à coup de ciseaux.Et Mianie sut qu’il était le fils de Bart-le-Bûcheron, que son père était devenu fou et que.Une femme apparut soudainement, sortant de derrière un buisson.Les enfants eurent le même sursaut d’effroi, puis ils ressentirent presque aussitôt une impression d’apaisement, et toute peur les abandonna.L’arrivante avait le visage empreint d’une expression de douceur mélancolique, de tristesse, mais aussi d’amour et de compassion.Elle était blonde et belle, quoiqu’elle semblât étrangement immatérielle.Ses mouvements avaient une sorte de lenteur désincarnée, et son sourire comme son regard paraissaient venir de très loin, au-delà de son apparence.Elle s’avança vers eux.— N’ayez aucune crainte, dit-elle d’une voix mélodieuse.Ici, vous n’avez rien à redouter de qui que ce soit.Je me nomme Musilla, et je suis votre amie.Ses auditeurs la considéraient avec méfiance, mais au fond de leur coeur vibrait l’envie de s’abandonner à ses paroles réconfortantes.Le premier, Hérol réagit.— Où sommes-nous ? s’enquit-il.Musilla lui sourit [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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