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.Il avait l’air soucieux.— Ça ne me dit rien qui vaille.D’après la météo, on va avoir un sale temps.J’espère qu’on n’aura pas besoin de rejoindre le continent, parce que ça pourrait s’avérer difficile.— On ne manque de rien ici, dit Ruben de sa voix sèche de vieillard.On n’a pas prévu de partir avant dimanche, et j’ai l’impression qu’on ne va pas mourir de faim.Tout le monde rit de son commentaire.Un peu trop fort et un peu trop cordialement.Une ride de mécontentement se forma entre ses sourcils broussailleux ; il en avait probablement plus qu’assez des courbettes.Pendant une seconde, Martin croisa son regard et il comprit que le vieil homme avait deviné ses pensées.Il baissa les yeux et s’appliqua à tremper une saucisse cocktail dans de la moutarde.Une petite entaille faite à chaque bout des petites saucisses les avait fait se recourber sur elles-mêmes.Quand il était petit, il les appelait des saucisses-bouclettes, et ses parents le lui rappelaient encore à chaque Noël.— Alors Bernard, dit Ruben en déplaçant son attention sur son petit-fils.Comment va ta société ? Il y a certaines rumeurs qui courent à la bourse.Il y eut un petit silence pesant avant que Bernard réponde :— Ce sont des mauvaises langues.L’entreprise ne s’est jamais aussi bien portée.— Ah bon, ce n’est pas ce que j’ai entendu, dit Ruben d’une voix doucereuse.Et mes sources sont… comme tu le sais… à considérer comme parfaitement fiables.— Loin de moi l’idée de critiquer tes sources, grand-père, mais je me dis qu’elles sont peut-être un peu dépassées.Alors qu’est-ce que tu veux qu’elles sachent sur…Vivi lança un regard acéré à Bernard qui le réduisit au silence.En baissant le ton, il poursuivit :— Eh bien, tout ce que je peux te dire, c’est que tes sources se trompent.Nous aurons des chiffres excellents à présenter lors de notre prochain bilan.— Et toi, Miranda ? Comment se porte ton agence de design ?Les yeux de Ruben se posèrent sur Miranda comme des rayons X, et elle se tortilla en répondant :— Eh bien, on a été poursuivis par la malchance.Beaucoup de commandes ont été annulées au dernier moment, et on a dû faire pas mal de boulot gratuitement pour nous procurer des clients de référence, et…Ruben leva une main osseuse.— Merci, merci, cela me suffit.Je vois parfaitement le topo.Autrement dit, il ne reste pas grand-chose du capital que j’ai injecté dans ton affaire ?— Ben, tu vois grand-père, j’avais l’intention de t’en parler…Elle enroula une mèche de ses magnifiques cheveux longs autour d’un doigt et adressa un sourire obséquieux au vieil homme.Vivi essaya de sauver la situation avec son verbiage tout en tirant nerveusement sur son collier de perles :— Les enfants se débrouillent vraiment bien, ils travaillent dur.On ne les voit pratiquement plus passer à la maison, Gustav et moi, c’est boulot, boulot, boulot…Martin commença à avoir du mal à avaler ses mini-saucisses.Le repas avait pris une tournure désagréable, et il chercha à croiser le regard de Lisette.Seulement, comme les autres membres de la famille, elle écoutait avidement la joute verbale et attendait la suite.— Et toi Lisette, tu envisages de commencer à travailler bientôt ?La bouche de Lisette se referma d’un coup lorsque son grand-père se focalisa sur elle.— Mais… moi… je n’ai pas encore fini mes études, bégaya-t-elle et elle sembla rétrécir à vue d’œil.— Oui, je sais que tu fais des études, dit sèchement Ruben.C’est moi qui les finance.Depuis huit ans.Je voulais seulement savoir s’il n’était pas temps de mettre toute cette connaissance en pratique ?Son ton était toujours d’une douceur trompeuse, et Lisette avait les yeux baissés lorsqu’elle répondit :— Si, bien sûr, grand-père.Ruben souffla de mépris, puis il regarda finalement ses fils.— Quelques problèmes au boulot, si j’ai bien compris.L’œil exercé de Martin vit Harald et Gustav échanger un regard rapide.Ce fut un échange muet d’à peine une seconde, mais Martin eut le temps d’y lire à la fois de la haine et de la peur.— Qu’est-ce que tu as compris, papa ? finit par dire Harald.Tout roule comme sur des roulettes.Business as usual, tu sais.Exactement comme à ton époque.Un sourire joyeux, mais superficiel, accompagna ses propos.Ses mains, qui réduisaient fébrilement une serviette en confettis tandis qu’il parlait, trahissaient ses sentiments réels.— Mon époque ! Tu sais très bien que “mon époque” ne remonte qu’à deux ans.A t’entendre, on pourrait croire que je tenais la barre il y a plus de cent ans.Et si je n’avais pas eu ces… – il chercha le mot –… ces problèmes de santé, je la tiendrais encore.Mais j’ai toujours mes sources dans la société.Et ce que j’ai entendu est alarmant, dit-il en les menaçant du doigt.Après avoir jeté un coup d’œil oblique à son frère, Gustav prit la parole.— Comme Harald vient de le dire, tout est en ordre
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