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.Récemment, avec le colonel Moran comme partenaire, il avait gagné la coquette somme de deux cent quarante livres contre Godfrey Milner et lord Balmoral.Le soir du crime, il était rentré chez lui exactement à dix heures.Sa mère et sa sœur étaient sorties : elles passaient la soirée chez une parente.La domestique déposa qu’elle l’avait entendu pénétrer dans la pièce du devant du deuxième étage qu’il utilisait comme salon personnel.Auparavant, elle y avait allumé du feu ; celui-ci dégageant de la fumée, elle avait ouvert la fenêtre.Le salon demeura silencieux jusqu’à onze heures vingt.Lady Maynooth et sa fille, dès leur retour, voulurent dire bonsoir à Ronald.Lady Maynooth essaya d’entrer.La porte était fermée de l’intérieur.Elles frappèrent, appelèrent, mais leurs cris demeurèrent sans réponse.Finalement, la porte fut forcée.Le corps de l’infortuné jeune homme gisait près de la table, la tête horriblement fracassée par une balle explosive de revolver, mais dans la pièce on ne retrouva aucune arme.Sur la table, il y avait deux billets de dix livres, plus dix-sept livres et dix schillings en pièces d’or et d’argent disposées en petites piles de valeur différente.Sur une feuille de papier figuraient aussi quelques chiffres avec en regard des noms d’amis de club.On en déduisit qu’avant sa mort il était en train de chiffrer ses gains et ses pertes aux cartes.Un examen minutieux acheva de rendre l’affaire inexplicable.En premier lieu, il fut impossible de déceler le motif pour lequel le jeune homme se serait enfermé à clé.Restait l’hypothèse où la porte aurait été fermée par l’assassin, qui se serait ensuite enfui par fenêtre.Mais la fenêtre était bien à sept mètres au-dessus d’un parterre de crocus en plein épanouissement.Or ni les fleurs ni le sol ne présentaient la moindre trace de désordre, et on ne releva aucune empreinte de pas sur l’étroite bande d’herbe qui séparait la maison de la route.Apparemment donc, c’était le jeune homme qui s’était lui-même enfermé.Mais comment avait-il été tué ? Personne n’aurait pu grimper par le mur jusqu’à la fenêtre sans laisser trace de son escalade.Et si l’assassin avait tiré par la fenêtre, ç’aurait été un tireur absolument hors de pair puisqu’il avait infligé avec un revolver une blessure aussi effroyable.Par ailleurs, Park Lane est une artère fréquentée : il y a à moins de cent mètres une station de fiacres.Personne n’avait entendu le coup de feu.Et pourtant le cadavre était là, ainsi que la balle de revolver, aplatie comme toutes les balles à pointe tendre, qui avait dû provoquer une mort instantanée.Tels étaient les éléments du mystère de Park Lane, que compliquait encore l’absence de mobile valable puisque, comme je l’ai déjà dit, le jeune Adair n’avait pas d’ennemi connu et que l’argent était resté sur la table.Toute la journée donc je réfléchis à ces faits.Je m’efforçai de mettre sur pied une théorie capable de les concilier, de découvrir cette ligne de moindre résistance que mon pauvre ami considérait comme le point de départ de toutes ses enquêtes.J’avoue que Je n’aboutis à rien.Dans la soirée, je fis un tour dans le Park, je le traversai et me trouvai vers six heures du côté de Park Lane.Un groupe de badauds, le nez pointant vers une certaine fenêtre, m’indiqua la maison du crime.Un grand gaillard maigre avec des lunettes à verres fumés, qui me fit l’impression d’être un policier en civil, était en train d’émettre une théorie de son cru que les autres écoutaient.Je m’approchai pour tendre l’oreille, mais ses propos me parurent si stupides que je me retirai du groupe en pestant contre le sot discoureur.En reculant, je me heurtai à un vieillard difforme qui se tenait derrière moi, et je fis tomber quelques livres qu’il portait sous son bras.Je les ramassai, non sans avoir remarqué que le titre de l’un d’eux était : L’Origine de la Religion des Arbres.Certainement son propriétaire était un pauvre bibliophile qui, soit professionnellement, soit par marotte, collectionnait des livres peu connus.Je lui présentai mes excuses, mais le bonhomme devait attacher un grand prix aux livres que j’avais si involontairement maltraités, car il vira sur ses talons en poussant un grognement de mépris, et je vis son dos voûté et ses favoris blancs disparaître parmi la foule.J’eus beau observer le 427 de Park Lane, je n’avançai guère dans la solution de mon problème.La maison était séparée de la rue par un mur et une grille dont la hauteur n’excédait pas un mètre cinquante.Il était donc facile pour n’importe qui de pénétrer dans le jardin.Mais la fenêtre me sembla tout à fait inaccessible en raison de l’absence de gouttières ou de tout objet pouvant faciliter l’escalade d’un homme agile.Plus intrigué que jamais, je repris le chemin de Kensington.J’étais dans mon cabinet depuis cinq minutes quand la bonne m’annonça un visiteur.A ma grande surprise, elle introduisit mon vieux bibliophile de tout à l’heure : son visage aigu, parcheminé, se détachait d’un encadrement blanc comme neige ; il portait toujours sous son bras ses précieux livres, une douzaine au moins.– Vous êtes surpris de ma visite, monsieur ? me demanda-t-il d’une voix qui grinçait bizarrement.Je reconnus que je l’étais.– Hé bien ! monsieur, c’est que j’ai une conscience, voyez-vous ! Je marchais clopin-clopant quand vous êtes entré dans cette maison.Alors je me suis dit que j’allais dire un mot à ce monsieur poli pour lui expliquer que si j’avais été un tant soit peu brusque dans mes manières, il ne fallait pas m’en vouloir, et que je le remerciais beaucoup de m’avoir ramassé mes livres.– N’en parlons plus ! répondis-je.Puis-je vous demander comment vous saviez qui j’étais ?– Ma foi, monsieur, je suis un peu votre voisin
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