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.J’imaginais les hectolitres d’eau que les lances de caoutchouc avaient dû expédier vers le brasier.Une belle journée s’annonçait.Le ciel était déjà d’un bleu immaculé.C’était un grand ciel de bord de mer.Il paraît que juin sera ensoleillé, cette année.Un attroupement s’était formé de part et d’autre de l’immeuble, si bien que les forces de l’ordre avaient déployé de longs rubans rouges pour tenir les curieux à distance.Sur le pas de sa porte, une femme en robe de chambre voulait savoir s’il y avait des victimes.Sa voisine, qui semblait bien renseignée, affirmait que les occupants étaient absents.Je me suis frayé un chemin jusqu’à Grunbach.Je l’avais aperçu au pied du camion-citerne.Un policier m’a interpellé.J’ai sorti ma carte professionnelle en précisant que j’étais l’assureur de l’immeuble.Il m’a dévisagé avec étonnement, puis m’a fait signe de passer.Grunbach avait le visage défait d’un homme qui n’a pas dormi.Je ne l’avais plus revu depuis ma promotion aux Gobelins.Son dossier était suivi par Éric Chabrerie, un de mes meilleurs courtiers.Grunbach avait conservé mon numéro direct.Devant la gravité du sinistre, sans doute avait-il éprouvé le besoin de se confier à quelqu’un du métier qu’il tenait pour un ami.J’ai serré sa main dans les miennes.Il m’a remercié de l’avoir rejoint.Les dégâts devaient être considérables, mais il s’inquiétait surtout pour sa locataire.Il disait d’une voix faible : « Et Jeanne, et Jeanne… » Pensant le rassurer, je lui ai rapporté ce que j’avais entendu de la bouche de la voisine.Il a secoué la tête.Les témoignages étaient contradictoires.Certains croyaient avoir vu sa locataire sortir de l’immeuble à moitié nue et s’éloigner seule vers la Seine.D’autres prétendaient qu’elle était accompagnée de son petit garçon, un gamin de sept ou huit ans.On n’avait retrouvé personne.J’ai voulu savoir si les pompiers avaient pu accéder à l’appartement.« Un seul, a dit Grunbach.Avec toute cette fumée, il est ressorti aussitôt et noir comme un charbonnier.» Le propriétaire, lui, était d’une pâleur inquiétante.Je l’ai tranquillisé en lui promettant que nous irions ensemble sur place.Plus aucune flamme ne venait lécher la façade qui ressemblait à la gueule d’un four.La police essayait de disperser les badauds.Des bus remplis de touristes avaient aussi coupé leur moteur devant la petite rue, comme si cette vision imprévue agrémentait le circuit des visites pour Notre-Dame.Vers neuf heures, le capitaine des pompiers nous a fait signe de le suivre.Le feu était maîtrisé.À l’expression de Grunbach, j’ai deviné qu’il préférait me voir passer devant.Nous avons sorti nos mouchoirs.L’air saturé de cendre était suffocant, dans la cage d’escalier.La porte de l’appartement dévasté était ouverte.Nous l’avons refermée derrière nous.Un silence de sacristie régnait dans le petit deux-pièces où ce qui n’avait pas brûlé était noyé sous l’eau.Les papiers peints avaient fondu.Les meubles étaient méconnaissables.Seule la cuisine, qui donnait sur la cour, était presque intacte.Le capitaine des pompiers a confirmé qu’il n’y avait personne sur les lieux.Le propriétaire se demandait où étaient passés Jeanne et son fils, et comment l’incendie avait pu se déclarer.Pendant que les deux hommes s’entretenaient, j’ai sorti un petit carnet de notes et un stylo-feutre pour les constatations d’usage.J’ai avancé jusqu’à la pièce voisine, sans doute la chambre, tout aussi calcinée que le séjour.Il n’était pas facile d’imaginer que, la veille encore, des gens menaient ici une existence paisible, accomplissaient les gestes du quotidien, regardaient la télévision ou se penchaient tranquillement aux fenêtres pour respirer l’air du soir.Dans un recoin, près d’un canapé convertible dont ne subsistait que le squelette métallique, mon œil s’est posé sur un objet brillant.En m’approchant, j’ai remarqué un cadre en ronce que l’écroulement d’une bibliothèque avait projeté au sol.Le verre s’était brisé en plusieurs endroits.Dessous apparaissait une photographie mangée par le feu dans la partie supérieure.Restait seulement le visage de profil d’un garçonnet qui regardait en l’air, là où s’étalait maintenant une grosse tache sombre.De la femme à ses côtés, sûrement sa mère, on ne distinguait plus qu’une boucle de cheveux et un large sourire, rien d’autre qu’un sourire.J’ai déposé le cadre dans la niche prévue pour une lampe de chevet puis j’ai poursuivi mon relevé.Grunbach et le pompier m’avaient rejoint.« Peut-être un court-circuit, disait le soldat du feu.Ou alors une bougie allumée qui aura enflammé le rideau.» Il était trop tôt pour savoir.Grunbach se lamentait.Il répétait : « C’est comme s’il y avait eu la guerre.»Je me suis dirigé vers la cuisine.Des cendres acheminées par les trombes d’eau étaient passées sous la porte, laissant au sol de larges traînées sombres.Mais les murs de faïence étaient intacts.Un coup d’éponge aurait suffi à les raviver.Dans un placard, on avait empilé des ouvrages de cuisine facile, des albums en couleurs expliquant comment confectionner des desserts amusants, des banana split, des meringues à la noix de coco, des granités au sirop.J’ai attrapé un des livres au hasard.Entre deux pages était agrafée une recette maison écrite à la main d’un tracé rond d’enfant, ou d’adulte s’appliquant à être bien lisible pour un enfant.Près des livres s’alignaient de minuscules moules à tartelette et aussi, soigneusement rangés, comme indifférents au sinistre, quelques ustensiles précieux, un fouet à main, une spatule en bois, les bras d’un mixer, des ramequins aux bords ondulés.J’ai entendu la voix du propriétaire.« Cela ne veut peut-être rien dire, expliquait-il, mais les taches de cire sont légion sur la moquette, près des fenêtres, là où pendaient les rideaux.Elle n’a pas dû faire attention, Jeanne.» Je lui ai demandé s’il la connaissait bien.J’ai appris qu’elle était la fille d’une amie à lui.L’an passé, elle s’était retrouvée seule avec son fils.Il fermait les yeux sur les retards de loyer.Elle était assez dépressive, un peu dépassée par les événements, sans emploi stable.Cet automne, il était venu lui rendre visite avec sa mère.L’appartement était éclairé aux bougies et il n’y faisait pas chaud.Après leur départ, la mère de Jeanne lui avait avoué qu’elle ne payait plus l’EDF.Il a soupiré : « Des bougies, avec toutes ces boiseries… »Le capitaine des pompiers était redescendu [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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