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.Madame Thérèse aimait la voisine, parce qu’elle la trouvait toujours prête à parler de son fou, de son chéri, de son Roland adoré.Aujourd’hui, Thérèse et la voisine avaient causé longuement de Roland, puis, Thérèse s’était endormie avec le nom de Roland sur les lèvres.Roland était un peu soucieux.Il avait bien réfléchi en revenant de la rue Cassette.Les cris de la trompe et les mille voix du carnaval n’avaient pu troubler sa méditation dont le résultat était naturellement ceci :– Il y a un mystère ; mais Marguerite est pure comme les anges !En somme, ce beau Roland n’avait que dix-huit ans.Quand un enfant doit devenir véritablement un homme avec le temps, les leçons de la voisine n’y font rien.Ceux que la voisine vieillit avant l’âge n’auraient pas mûri, soyez sûrs de cela, et n’en veuillez pas trop à Mme de Warens, malgré les plaintes hypocrites de ce cœur de caillou, d’où elle avait fait jaillir la première étincelle.Grand cœur ! chante encore la postérité.Car l’admirable génie de Rousseau a ce privilège de vibrer comme un sentiment.Lui qui n’aima que les rêves secrets de la solitude ! lui qui calomnia le bienfait, douta de l’amitié et se défia de Dieu !Roland n’avait pas de génie, et Roland, grâce au ciel, ne se défiait de personne.Il croyait à tout, comme un brave garçon qu’il était : à son maître, le demi-dieu de la couleur ; à sa mère, la douce et la sainte ; à l’avenir, à la voisine et même à Marguerite Sadoulas !C’était peut-être aller un peu loin, mais que voulez-vous ?– Tu n’as qu’à t’habiller, mauvais sujet, dit la voisine à voix basse.Ta mère va être bien tranquille, toute la nuit, et d’ailleurs je serai là.Roland vint sur la pointe du pied jusqu’au lit et regarda la malade qui dormait les mains croisées sur sa poitrine.Elle était si pâle qu’une larme mouilla les yeux de Roland.– Je la verrai ainsi une fois, murmura-t-il, endormie pour ne plus s’éveiller jamais !La voisine avait des trésors d’expérience.– Oh ! oh ! fit-elle, nous avons des idées mélancoliques, malgré le costume de Buridan qui attend là-bas, sur mon lit… Il est arrivé quelque chose !Ceci était une interrogation.– Non, rien, dit Roland, qui tomba dans un fauteuil.– Avec qui l’as-tu trouvée ? demanda la voisine.Avec un étudiant ? avec un militaire ? avec un père noble ?Roland haussa les épaules et, pour rompre les chiens, il se leva.– Je vais t’aider à t’habiller… commença la voisine.– Non, l’interrompit Roland, restez… maman pourrait s’éveiller.– J’aime bien quand tu dis maman, moi, grand écervelé, murmura Mme Marcelin.Le fils du bonnetier dit : ma mère.Roland sortit.Il poussa une porte sur le carré et entra dans la chambre de la voisine.C’est ici un lieu mystérieux, un sanctuaire, un laboratoire qui mériterait une description à la Balzac.Tant de jeunesse rancie ! tant de sourires pétrifiés ! tant de fleurs fanées ! mais nous n’avons pas le temps, et la voisine est si bonne personne !Roland s’assit sur le pied du lit, auprès du costume de Buridan et mit sa tête entre ses mains.La voisine s’était trompée trois fois ; ce n’était ni un père noble, ni un militaire, ni un étudiant : c’était un clerc de notaire.Mais comme la voisine avait bien deviné du premier coup pourquoi notre Roland avait, ce soir, des pensées mélancoliques !La voisine vint pour voir où il en était de sa toilette.Elle le trouva qui pleurait comme un enfant.– Ta mère dort bien, dit-elle, pendant que Roland faisait de son mieux pour cacher ses larmes.Il y a longtemps que je ne l’avais vue dormir de si bon cœur.Elle rêve : elle parle de vingt mille francs.Est-ce qu’elle a mis à la loterie ?– Pauvre maman ! murmura Roland.Elle m’avait bien dit de prendre garde ! je tuerai ce coquin de Buridan !Mme Marcelin aurait préféré parler des vingt mille francs qui l’intriguaient jusqu’au vif.– Parfois, reprit-elle, on peut tomber sur un quaterne… quel Buridan veux-tu tuer ?Roland sauta sur ses pieds.– Il faut que je lui parle ! s’écria-t-il et que je la traite une bonne fois comme elle le mérite !– C’est ça, répliqua la voisine en dépliant le costume ; ça doit joliment t’aller ces nippes-là.Tout te va
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