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.Elle criait pour rien, pour s’entendre, la nuit, comme on ouvre la lumière.Elle allait crier ici, beaucoup crier.Elle détestait Middleway, ce patelin perdu au milieu des blés, dans un décor si fuyant, d’une platitude si désolée que la première fois qu’elle y avait atterri, elle avait pris les tribunes du stade pour une montagne, un GOLGOTHA ! Entre Los Angeles et New York, Middleway représentait un no man’s land de la culture qui avait suscité par provocation la contre-culture du dérisoire et du plouc.Un metteur en scène branché y avait situé l’action d’un de ses films parce que c’était « l’endroit le moins romanesque du monde ! ».Depuis, dans les séries, il y avait toujours un imbécile qui sortait de Middleway pour la plus grande hilarité des téléspectateurs.Dans des endroits désolés de l’Ohio ou du Wisconsin ils se bidonnaient au seul nom de Middleway, Kansas.Lorsqu’elle était lucide, Lola voulait que l’on crût qu’elle fréquentait Middleway parce que c’était « le lieu le moins romantique de l’univers ».Elle sentait bien qu’on la soupçonnait de faire de la figuration dans une série B.Ne me mets pas à l’hôtel, suppliait-elle au téléphone, pas au Hilton pour dominer à perte de vue le néant de la grande plaine.Gloria l’avait rassurée, elle lui laisserait, chez elle, sa propre chambre.En ouvrant sa valise, Lola s’était mise à crier parce qu’elle était seule, pour se prouver qu’elle était radicalement seule et que tout le monde s’en foutait.Les fidèles qui se rendaient, juste en face, à la chapelle baptiste s’étaient inquiétés.Ils voulaient savoir si on torturait une femme dans la maison de la féministe.Gloria lui avait demandé de ne plus crier chez elle parce que cela effrayait Chrystal.Lola avait mis un moment à mettre le prénom sur le visage poupin d’une petite métisse de treize ans.Chrystal avait pris prétexte des hurlements nocturnes de Lola pour déserter la maison maternelle au moment du colloque, non sans avoir averti la société des amies de sa mère qu’elle se suiciderait comme Marilyn à trente-six ans, leur faisant bien sentir qu’elles avaient toutes dépassé ce cap – comme s’il était besoin de le dire ! – et qu’elle les trouvait PITOYABLES de S’ACCROCHER ainsi.— S’accrocher, s’accrocher, explique-toi, avait exigé Babette Cohen, l’alter ego de Gloria à Missing H.University, vingt ans de feminine studies, un contact exceptionnel avec les jeunes et l’intime conviction qu’il fallait faire préciser tous les non-dits.— Vieilles et moches comme les salopes que vous êtes, avait répondu Chrystal les larmes aux yeux.Et ces femmes qui avaient pensé intégrer la jeune fille dans leur système, lui parlant comme à une adulte, furent soulagées que Chrystal se repliât chez son Machiniste de père, au sud de la ville.On ne s’informerait de ses progrès scolaires que par politesse.— Alors je peux crier maintenant ? avait demandé Lola.— Non, avait rétorqué Gloria.— À cause ?— À cause d’Aurore.Horror creusait un grand trou dans la tête de Lola.— Tu sais, l’écrivain, précisa Gloria, l’écrivain que tu vas interpréter.— La Canadienne ? demanda Lola qui restait sur ce mot d’Horror.— Non, la Française.— Ah ! dit Lola, la fille là-bas dans l’autre chambre ? Qu’est-ce que ça peut lui faire que je crie ? Elle ne crie pas, avec ce qu’elle écrit !— Non, elle ne crie pas.C’est un comble, se disait Lola, il y a Horror derrière la porte et il ne faut pas que je crie ! Alors je vais vomir, menaça-t-elle.— Vomis, répondit Gloria, je nettoierai.Ce matin Lola appela chaque douleur, les fit remonter le long des jambes, le long des bras et quand elles furent sur l’estomac, la nausée fut trop forte, elle vomit.Et puis le cri sortit aussi de la bouche ouverte.Il réveilla le Pasteur qui pensa à la journée de Pâques, aux cris des nouveaux baptisés qui devaient expulser Satan, ses pompes et ses œuvres.Alléluia.La levée d’écrou informatique se faisait à sept heures trente.L’écran de l’ordinateur de Gloria s’éclairait et diffusait une musique nasillarde qui débitait les premières mesures de la Lettre à Élise avec une tonalité aussi usée que celle qui s’aigrissait sur le répondeur téléphonique.Une inscription gigantesque lui souhaitait une bonne journée en martyrisant son prénom dans tous les sens selon le désir qu’elle avait eu de le franciser, et même à la belle époque de le féminiser en remplaçant le i par un y, bref de le rendre définitivement original.On en était donc à Gloria avec une pincée de cœurs qui envahissaient l’écran et explosaient en inscrivant SPLATCH dans des bulles.Au même instant, au sous-sol, la machine à laver se remplissait d’eau.Il n’est pas douteux que si Gloria avait trouvé un savon qui fît des cœurs à la place de la mousse, la machine eût craché des cœurs roses et euphoriques comme les dessinent les jeunes filles qui, dans l’enthousiasme de leur première année d’université, parsèment leurs copies de ces décorations enfantines, traquant le moindre i pour l’empâter d’une fleur, d’un cœur ou d’un rond obèse comme le beignet qu’elles trempent dans leur café.La porte du garage se soulevait, les moustiquaires se décollaient, la machine à café se mettait en route et la climatisation emportait tout cela dans un chuintement qui était le pouls de la maison.C’est une question d’organisation, disait Gloria, mais le fer à défriser qui chauffait sur le bord de son lavabo avait, erreur de timing, fichu le feu à la maison.Ce matin-là Gloria, qui avait dormi sur le canapé-lit de son bureau sans prendre la peine de le défaire, se réveillait fatiguée mais heureuse.Comme après chaque colloque, elle passait en revue les épisodes et incidents y afférents, et cela s’était plutôt bien passé.Une organisation rigoureuse, un budget serré, la fidélité des congressistes de plus en plus sollicitées ailleurs et dont pourtant le nombre s’était accru.Elle avait en main une carte maîtresse : Lola Dhol faisait des lectures sur les auteurs programmés.Personne ne résistait à la voix de Lola.Gloria se rappelait l’effet que lui avait fait leur première rencontre, il y a quelques années déjà à la New York University au cours d’un cocktail au département de français
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