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.Une alerte d’accélération se répercuta à travers le Frelon : audio, optique et télétransmise.Les membres de l’équipage avaient tous leur harnais de sécurité, mais quant aux civils qu’ils avaient à bord, seule la Sainte Mère savait ce qu’ils pouvaient être en train de faire.L’accélération se fit en douceur, et Prager sentit ses greffons de tissu nanonique s’affermir autour de ses organes internes, les aidant à supporter la force de gravitation, les empêchant d’être rejetés de part et d’autre de sa colonne vertébrale, assurant un apport de sang constant au cerveau pour prévenir l’évanouissement.Le Frelon fut violemment secoué lorsque s’élança son propre essaim de guêpes de combat.L’accélération atteignait huit g et se poursuivait.Dans le module avant du Frelon, le Dr Alkad Mzu avait examiné la situation du vaisseau au moment où celui-ci, volant à un g et demi, se dirigeait vers leur prochain point de saut.Ses naneuroniques traitèrent les données brutes pour fournir une synthèse des images transmises par les capteurs externes du vaisseau, superposées au tracé vectoriel du vol.Le diagramme se déploya derrière ses rétines, avec un scintillement qu’elle élimina en fermant les paupières.Chengho et Gombari étaient représentés par deux traînées lumineuses d’un intense blanc bleuté, l’éclat des gaz d’éjection se détachant nettement sur la toile de fond de l’espace interstellaire.Formation serrée.Chengho était à deux mille kilomètres, Gombari à guère plus de trois mille.Pour que des vaisseaux émergent à cinq mille kilomètres de distance après un saut de dix années-lumière, il fallait réaliser des prouesses en matière de navigation.Garissa avait dépensé beaucoup d’argent pour doter sa flotte du meilleur équipement existant.De l’argent qui aurait pu être mieux employé à l’université ou au financement des services de santé.Garissa n’était pas un monde particulièrement riche.Et quant à savoir où le ministère de la Défense s’était procuré de telles quantités d’antimatière, Alkad avait pris soin d’éviter de poser la question.— Environ trente minutes avant le prochain saut, annonça Peter Abdul.Alkad annula la télétransmission.Les images des vaisseaux s’effacèrent, remplacées par le décor Spartiate du matériau composite gris-vert des murs de la cabine.Peter se tenait dans l’ovale de l’écoutille, revêtu d’une combinaison turquoise rembourrée au niveau de chaque articulation pour éviter les contusions lors des chocs en apesanteur.Il lui souriait d’un air engageant.Elle pouvait lire l’inquiétude qui se cachait derrière les yeux pétillants.Peter avait trente-cinq ans, mesurait un mètre quatre-vingts et avait la peau encore plus foncée que son teint à elle, pourtant d’un profond noir d’ébène.Il travaillait au département de mathématiques de l’université, et ils étaient fiancés depuis dix-huit mois.Pas du tout le genre démonstratif et expansif, mais discret et positif.Quelqu’un qui donnait sincèrement l’impression de ne pas attacher d’importance au fait qu’elle était plus brillante que lui - et ils n’étaient pas si nombreux.Même la perspective qu’elle soit à jamais entachée d’infamie pour avoir été la créatrice de l’Alchimiste le laissait imperturbable.En fait, c’était pour l’aider à résoudre les problèmes mathématiques que posait la conception de l’engin qu’il l’avait accompagnée à la base-astéroïde ultrasecrète des Forces spatiales.— Je pensais que nous pourrions les passer ensemble, dit-il.Elle lui retourna son sourire et se dégagea du filet de retenue tandis qu’il s’asseyait à côté d’elle au bord de sa couchette d’accélération.— Merci.Les gars de la flotte, ça ne leur fait rien de se retrouver confinés entre eux lors des regroupements.Mais c’est sûr que moi ça me dérange.La cabine était envahie par un brouhaha provenant des divers systèmes d’environnement du vaisseau, du bourdonnement des voix des membres d’équipage en liaison avec leurs stations, des échos des vagues paroles échangées le long des coursives.Le Frelon avait été tout spécialement conçu dans la perspective de devoir faire usage de l’Alchimiste, conception essentiellement axée sur la résistance et la performance ; le confort de l’équipage était loin sur la liste des priorités.Alkad passa ses jambes par-dessus le rebord de la couchette, sur le côté, les pieds attirés vers le pont par la forte pesanteur.Elle s’appuya contre Peter, reconnaissante de la chaleur du contact, du simple fait qu’il soit là.Il mit son bras autour de ses épaules.— Qu’y a-t-il dans la perspective de la mort prochaine qui fait remonter le flux d’hormones ?Elle sourit et se pressa contre son flanc.— Qu’y a-t-il dans la nature du mâle qui fait que le seul fait d’être éveillé vous fait travailler les hormones ?— C’est un non ?— C’est un non, dit-elle d’une voix ferme.Il n’y a pas de porte et nous nous blesserions dans cette gravitation.D’ailleurs, on aura plein de temps quand on rentrera.— Oui.Si on rentre.Mais cela, il ne le dit pas à haute voix.Ce fut à cet instant que le signal d’accélération retentit.Même alors, il leur fallut une seconde pour réagir, pour passer le premier moment de stupeur.— Retourne sur la couchette, cria Peter alors que la force gravifique augmentait subitement.Alkad tenta de ramener ses jambes par-dessus le rebord.Elles les sentait en uranium, incroyablement lourdes.Elle lutta contre cette masse, dans une terrible friction des muscles et des tendons.Allez.C’est facile.Ce ne sont que tes jambes.Sainte Vierge, combien de fois déjà as-tu soulevé tes jambes.Allez !Quand les naneuroniques prirent le contrôle de l’influx nerveux, les muscles de ses cuisses furent mis à rude épreuve.Elle parvint à ramener une jambe sur la couchette.À ce moment-là, l’accélération avait atteint sept g.Alkad se retrouva clouée avec la jambe gauche sur le plancher, le pied glissant sous le poids énorme de la cuisse poussée vers le bas, forçant l’articulation du genou à s’ouvrir.Les deux essaims adverses engagèrent le combat ; chez les assaillants comme chez les défenseurs, les formations se désunirent, chaque drone lâchant un tir de barrage de particules subatomiques.L’espace s’emplit d’un lacis de faisceaux d’énergie, d’un flot tumultueux d’impulsions électromagnétiques destinées à détourner le tir de l’adversaire, à brouiller, leurrer, talonner, semer la confusion, ne laisser aucun répit.Une seconde après, ce fut le tour des missiles.Les obus cinétiques compacts se déployaient comme la charge des anciens fusils de chasse.À ces vitesses d’approche, il suffisait que le projectile effleure la cible pour que l’un et l’autre détonent en panaches de plasma tourbillonnants
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