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.— Magnifique, nous allons être aux anges.Gagné par l’ambiance générale que les jeunes clercs apportaient à ce festin, Parturon n’écoutait plus Hyacinthe, surveillait la découpe de l’énorme pâté en croûte dont Narcisse commentait avec jubilation la recette :— Du veau et du canard macérés dans une eau-de-vie de Cognac, avec au centre un rouleau de foie gras qui enferme lui-même tout un chapelet de petites truffes sublimes.L’homme des Messageries apporta les lettres en plein milieu du repas et eut droit à son morceau de poularde et son verre de bordeaux.Il faillit s’asseoir comme dixième convive, s’il n’avait eu tout un sac de courrier à livrer.Hyacinthe emporta une lettre de Rouen pour la lire en son cabinet.On lui annonçait que la chambrière des Grandidier se nommait Agnès Roussel, mais qu’elle avait usurpé le nom d’une mendiante morte depuis quatre ans à l’hôpital de Rouen.Non sans mal il arracha Parturon à la tablée, alors que pris de vin il chantait avec les clercs et Narcisse des airs de vaudeville.— Lisez.Parturon prit son pince-nez mais, si le porto, le bordeaux et le champagne troublaient sa vision, il déchiffra la lettre et avec une rapidité surprenante reprit toute sa gravité de défenseur de l’ordre.— Plus que jamais ce mémoire à monsieur le préfet est nécessaire.Et il faudra l’adresser aussi à la police du Royaume.— Combien de malheureux ont payé de leur vie les manigances d’une femme qui porte toujours ces initiales A et R dans ses noms d’emprunt ? C’est un complot, monsieur l’officier.— Alors dites-moi qui hérite.Hyacinthe gardait toute sa lucidité, n’ayant guère sacrifié à la fête.Aussi resta-t-il dans le vague :— Un garçon vivant en Espagne.Né des amours d’un colonel d’Empire et d’une aristocrate ruinée.— Est-il déjà venu en France ? Et quels liens existent entre ce demi-Espagnol et une femme de chambre criminelle ?— Je vais entreprendre des recherches approfondies, tant dans nos archives que dans celles de nos confrères.D’autres familles sont menacées de mort prochaine.Par une combinaison diabolique leur fortune pourrait bien être dévolue à ce garçon de Séville.CHAPITRE IIIÀ deux jours de Noël, alors que la rue de Jérusalem n’avait pas donné d’écho à son mémoire, Hyacinthe Roquebère, pensif, examinait des cartons descendus des archives du second.Il avait établi, sur une immense feuille de papier, l’arbre généalogique de toutes les personnes concernées par cette mystérieuse affaire.Pour que l’inconnu d’Espagne fût l’unique légataire, que d’obstacles humains à éliminer ! Les criminels les plus endurcis, les plus diaboliques, les plus calculateurs ne pouvaient tout de même envisager de les assassiner tous.Pour certains l’âge s’en chargerait, mais il en resterait assez pour occuper une empoisonneuse durant des années.— Pourquoi renverser Maletère avec un fiacre et empoisonner les autres ? Dans cette mécanique infernale n’est-ce pas le grain de sable, la paille dans l’acier ?Hélée, Séraphine se précipita, les joues gonflées par une bouchée de nourriture incongrue à quatre heures du soir.— Monsieur Narcisse me fait goûter son bœuf en gelée au madère qu’il a préparé ce matin, fit-elle pour s’excuser.— Séraphine, toi qui durant des années et dès tes cinq ans as gratté la suie de presque toutes les cheminées de Paris, te souviendrais-tu de ramonages chez les personnes suivantes ?Il les énuméra lentement.Elle n’avait qu’une année de présence chez les Roquebère, et certaines affaires dataient de deux à trois ans.La petite, avec son visage semé de taches de rousseur et ses boucles châtain clair, était à l’image de ces gamines de Paris, capables de roublardise dans les situations les plus difficiles auxquelles leur origine modeste les expose.Souvent elle avait rendu de grands services aux avoués, n’ayant pas sa pareille pour dénicher les héritiers présomptifs de successions modestes, dont les dossiers sans fin encombraient l’étude dans une perspective vague de médiocres honoraires.— Pindelle ? Vieille sorcière pingre qui a rogné sur mon dû.Si bien que mon maître d’alors m’a tanné le cuir de sa ceinture cloutée.Je l’ai en mémoire, celle-là.Dans sa maison proche du boulevard des Italiens, une impasse, véritable coupe-gorge, c’était sale et puant.— Et les domestiques ?— Rien qu’une vieille souillon dans la grotte infecte qui servait de cuisine.Je la revois, bossue, en cheveux, à faire peur.Terrorisée par sa maîtresse, elle terrorisait les fournisseurs, me houspillait tout le temps.Des douze cheminées que comptait la maison seules deux servaient.Celle de la cuisine et l’autre du salon.Et dans cette dernière quelques mottes de tourbe encrassaient joliment, si bien que je ressortais poisseuse de gras du conduit.— Qu’est devenue la souillon, le sais-tu ?— L’année suivante, j’ai trouvé porte de bois.Il y avait eu un drame.La souillon aurait empoisonné la vieille harpagonne.Bien fait pour elle.La bossue en a eu assez un beau jour.— Te souviens-tu de son nom ?— Aurélie.La vieille piaillait sans cesse ce prénom.— Tu ne l’as jamais rencontrée ailleurs depuis ?— Avec une bobine pareille, elle ne passerait pas inaperçue.— Si tu te souviens d’un détail la concernant, reviens vite m’en faire part [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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