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.Le mort ordinaire va devenir un ancêtre, un héros tutélaire ou un saint.Mais le cas de Jeanne est fondamentalement atypique.C’est la femme la mieux documentée de toute l’époque médiévale.La plupart des lacunes que les mythographes supposent à son histoire sont factices.Et si sa popularité a varié – nous sommes aujourd’hui en période creuse –, jamais elle ne fut oubliée.Jeanne fut un mythe de son vivant.Dès son apparition, au printemps 1429, son histoire se joue sur deux plans parallèles, celui des réalités dont témoignent les lettres royales ou les comptes, et celui du mythe.En ces temps de guerres civile et étrangère, les troubles de l’État se traduisirent par des troubles mémoriels.Jeanne fut l’objet de deux discours parallèles et antithétiques.Les Armagnacs, partisans du dauphin Charles, virent en elle une vraie prophétesse inspirée par Dieu et faisant merveille pour le saint royaume de France, les Bourguignons, alliés des Anglais, en firent une créature en forme de femme, une sorte de sorcière sciemment manipulée par le diable ou par leurs adversaires.À bergère répond vachère ou servante d’auberge, à vierge répond putain, à mandatée par Dieu, sorcière.Les Bourguignons affirmèrent aussi que les voix n’étaient que supercherie.Jeanne était manipulée par les partisans du dauphin.Dans le royaume de Bourges, on crut aux mythes armagnacs et, chez Philippe le Bon, aux mythes bourguignons.Il s’ensuit que le procès en condamnation (1431) reflète les accusations bourguignonnes, tandis que le procès en nullité (1455-1456) met en avant les certitudes de l’autre camp.Aucun de ces deux ensembles mythiques n’est ni plus vrai ni plus rationnel que l’autre, contrairement à ce que croient les mythographes d’aujourd’hui, acharnés à détruire l’imaginaire armagnac mais prêts à gober tout ce que racontent les Bourguignons.Or tout mythe comporte une part de vérité et une part de fable.Prenons deux mythes, un de chaque côté, dont l’affirmation essentielle est fausse.Sont-ils inintéressants pour autant ? Les Armagnacs disent que Jeanne était bergère, cela par nécessité symbolique.Prophète, elle veille sur le troupeau.Une simple fille de paysan ne ferait pas rêver.Les Bourguignons disent que Jeanne est une putain.La réputation des femmes tient alors essentiellement à leur sexualité.Il faut nier la virginité de la Pucelle pour qu’elle puisse être présentée comme une fausse prophétesse ou une sorcière.La part de fable que contient le mythe informe donc non sur les faits eux-mêmes, mais sur les valeurs de la société qui l’a inventé.Les mythes contemporains de Jeanne font donc partie de son histoire.Ils ont provoqué tour à tour son succès puis sa perte.L’historien se doit de mesurer pour chacun sa part de vérité et de contre-vérité, déterminer qui dit quoi, où et pourquoi.Son rôle n’est pas du tout, en suivant la mythologie armagnac, de décrire une Jeanne merveilleuse et sainte, mais il n’est pas non plus, en suivant la mythologie bourguignonne, de réduire celle-ci à un fantoche banal et sot.Entre le Dieu des Armagnacs et la pure et simple manipulation des Bourguignons, il y a bien des possibles.Il faut à l’historien rendre compte de leur totalité.La mémoire de Jeanne était née dans le déchirement.Elle y resta.La victoire de la monarchie et l’écriture d’une histoire nationale de plus en plus unitaire font prévaloir au XVIe siècle la vision des Armagnacs.Celle des Bourguignons subsiste en contrepoint chez les protestants et nourrit l’illusion d’une Jeanne cachée au grand public mais qui serait la vraie.Le XVIIe siècle continue dans cette voie.L’apologie de Jeanne est l’œuvre du cardinal de Richelieu avant de passer aux mains des jésuites.La fin du siècle est marquée par l’apparition d’un mythe nouveau : Jeanne aurait survécu au bûcher sous la forme de Claude des Armoises.Cette affirmation a, dans un premier temps, surtout pour but de rendre plus prestigieux les descendants de celle-ci et ne fonctionne qu’à titre privé et familial.L’ère des Lumières est très défavorable à la réputation de Jeanne.Certains ne font plus confiance à la monarchie, d’autres doutent de l’Église.La Raison triomphante ne croit plus aux voix, ni à la virginité de la fille de Domrémy.« Le plus difficile de ses travaux fut de conserver son pucelage », écrit méchamment Voltaire.Le XIXe siècle est le grand siècle de Jeanne, tant sur le plan de l’histoire savante que sur celui du mythe[18].Vers 1850, le chartiste Quicherat publie en cinq volumes l’ensemble des procès et des autres sources connues de son temps.Les biographies se multiplient côté catholique (H.Wallon, M.Sepet) et côté laïc (J.Michelet, Anatole France).Entre-temps, Jeanne change de statut.Michelet fait de sa vie l’acte de naissance de la nation France, parce qu’il était après tout logique de faire d’une fille du peuple l’incarnation d’une France qui était elle aussi femme et populaire.Les manuels de la Troisième République suivent : ils font de Jeanne une icône patriotique à destination de toute une clientèle d’écoliers du primaire qui étaient encore en majorité des fils et filles de paysans comme elle.D’où des problèmes historiques nouveaux à la limite du mythe : peut-on dire que la fille du peuple a été trahie par le roi ou les nobles et brûlée par les prêtres ? Les options politico-religieuses des rédacteurs dicteront la réponse.Dans la seconde moitié du siècle, les préparatifs de sa béatification (1909) puis de sa canonisation (1920) exaspèrent les tensions autour de la Pucelle.À côté d’une histoire officielle de Jeanne, qui s’impose parfois brutalement, apparaissent une multitude de mythes qui en contestent les conclusions.Les remises en question touchent d’abord la naissance de Jeanne [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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