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.Dans une demi-heure, ce sera calmé, je rentrerai en douceur par les rues parallèles, pour éviter la route de Pontoise toujours en travaux et si circulante… Square Grimaud, cité des Brigadières, rue Maurice-Thorez, groupe Octobre, Marcel-Cachin… Pourquoi je me hâterais ? Mes cours sont prêts pour demain, ils le sont depuis dix ans… Je change un peu, c’est pas que je me répète, mais enfin l’ossature reste la même… Je mets au goût du jour… On ne peut pas toujours trouver du nouveau, on n’a pas tous les jours envie de faire du neuf… J’ai de quoi manger au frigo, et puis j’ai si peu faim… Le vent qui vient de l’est rabat les fumées de la Cellophane et l’appétit baisse, de Nanterre jusqu’à Cormeilles-en-Parisis… Economique dans un sens… Ajouté aux gaz d’échappement et aux résidus des fabriques du bord du fleuve, la cure d’air est assurée.Je suis bien chez Paulette… Au début, je trouvais le bistrot pittoresque, j’aimais écouter les routiers à midi (ils font le plat du jour) ; aujourd’hui, j’en fais partie.Si le type que j’étais il y a douze ans poussait la porte, il me trouverait pittoresque aussi : exemple de prof de banlieue marinant dans les pédagogies à la manque et le sauvignon des petites années.J’apprends aux mômes qu’il n’y a pas de singulier à « gens », je suis pourtant une petite gens, comme Rémy, comme Mathieu, comme Palmolive et les loubards qui arrachent les tripes du flipper…« On remet ça ? »Toujours d’accord, Mathieu… Un jour, on ne décollera plus, on sera à la retraite, bien imbibés… On finira au sauvignon des bords de Seine… Chez Paulette, devant le C.E.T… Le destin des gagne-petit.« Bonjour, m’sieur.»C’est un ancien, celui-là.Je le reconnais mal, quatre ou cinq ans, un mouleur noyauteur, j’ai perdu le nom… Il était sur la gauche, près des porte-cartes, c’est lui qui me passait les Vidal de La Blache.« Passez-moi l’Asie du Sud-est.»Il rigole.« Je m’en rappelle bien, ça remonte déjà… »Mathieu le regarde d’un sale œil ; il inspecte le blazer, le falzar flanelle, le teint du grand large ; il bosse pas dans le quartier, celui-là… Un traître.« Qu’est-ce que tu deviens ?— J’suis cow-boy chez Jean Richard.— Assis-toi.»Il ne peut pas, il a une copine qui l’attend dans une voiture, il s’excuse…« J’savais pas que vous étiez toujours ici.— Eh bien, tu vois…, fidèle au poste.»Une amertume… Je mérite donc à ses yeux de ne pas rester là ? Il avait été reçu à son C.A.P.Trois ans à remuer du sable et à couler des pièces.« Alors, c’est toi qui attaques les diligences ?— Non, je tombe du toit du saloon dès le début, j’fais le cadavre, quoi.»Le sourire est le même, un peu tremblé, les canines apparentes.« T’as coupé à l’usine, alors ?— Deux mois quand même.On enveloppait les pièces dans des journaux étrangers pour pas qu’on soit distrait par la lecture… Les types tournaient fous, c’est mon frangin qui m’a sorti de là.Je préfère m’occuper des canassons que des laminoirs, au moins j’ai de l’oxygène.Et puis je suis devenu cow-boy.Evidemment, c’est un peu dur et y a pas de week-end, mais faut ce qu’il faut.»Qu’est-ce qu’il faut, cow-boy ?« Faut que je me tire.Salut, m’sieur.»On se serre la main.Tu t’en es sorti, petit gars, d’une certaine façon, tu t’en es sorti… Il fait élégant, part en claquant du briquet Dupont sur une Stuyvesant.La salle s’est vidée… Les retraités sirotent toujours…« C’est pas tout, dit Mathieu, je suis pas rendu.On parlera politique demain.»Il y a toujours un moment où l’on est seul ; j’ai le droit de rester plus longtemps, j’habite moins loin que lui et personne ne m’attend.Il s’en va, tout dandineur… Trotskiste.Une branche scissionnée de la quatrième Internationale, lui anime une fraction de la scission.Ils sont bien douze et tout partira d’eux, bien sûr ; pour Mathieu, la révolution a lieu à la fin de la semaine prochaine, au plus tard dans quinze jours.Je ne sais pas pourquoi j’aime bien ce tout-fou…, sans doute parce que les autres sont pires.Trop de sauvignon dans l’aile.Je ne buvais pas avant, et il me faudra freiner si je veux rester digne.« A demain, Rémy.»Les derniers juke-box me saluent vaguement.Pas chaud, les soirées dans les agglomérations suburbaines.Pas d’étoiles malgré le vent sec, celle du Berger est derrière le gazomètre.Encore une de tirée.IIIMARIA CASARES en voix furtive…Que les parfums légers de ton air embaumé,Que tout ce qu’on entend, l’on voit ou l’on respire,Tout dise : « Ils ont aimé.»Le diamant dérape sur les sillons… Le bras se soulève, revient, oscille.Clac, arrêté.Je préfère leur mettre le disque, je ne sais pas bien lire, je ne suis pas assez acteur, et puis je me dégonfle surtout… La poésie, faut oser, c’est un peu du chant déjà, c’est pas donné à tout le monde de pousser la romance, faut avoir le chic pour traduire du sentiment, faut du doigté, jouer en sourdine de ses cordes vocales, faut filer la note, ne pas forcer surtout… l’Art…« Alors, qui est-ce qui commence ? »Je fais le faraud, le dynamique, mais l’heure est pénible
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