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.Cette famille présentait le groupe trinitaire du père, de la mère et du fils.Le père était un homme de cinquante-cinq ans, figure de magistrat, bien qu’il n’appartînt pas à la magistrature debout ou assise, les favoris en côtelettes poivre et sel, le front peu développé, la taille épaisse, atteignant cinq pieds deux pouces, grâce à des souliers hauts sur talon – en un mot un de ces gros petits hommes communément désignés sous la rubrique de « pot à tabac ».Vêtu d’un complet quadrillé de forte étoffe diagonale, la casquette à oreilles sur son chef grisonnant, il tenait d’une main un parapluie engainé dans son étui luisant, de l’autre, la couverture de voyage à dessins tigrés, roulée et cerclée d’une double courroie de cuir.La mère avait sur son mari l’avantage de le dominer d’un certain nombre de centimètres – une grande femme sèche et maigre, type échalas, face jaunâtre, l’air hautain, à cause de sa taille sans doute, les cheveux en bandeaux, d’un noir qui est suspect quand on touche à la cinquantaine, la bouche pincée, les joues tachetées d’un léger herpès, toute son importante personne enveloppée d’une rotonde en laine brune, fourrée de petit-gris.Un sac à fermoir d’acier pendait au bout de son bras droit, et un manchon de fausse martre au bout de son bras gauche.Le fils était un garçon quelconque, majeur depuis six mois, physionomie insignifiante, long col, ce qui, joint au reste, est souvent un indice de stupidité native, moustache blonde commençant à germer, yeux sans expression avec le lorgnon à verres de myope, corps dégingandé, mal d’aplomb, l’air veule du ruminant, assez embarrassé de ses bras et de ses jambes – bien qu’il eût reçu des leçons de grâce et de maintien – en un mot, un de ces bêtas, nuls et inutiles, qui, pour employer une locution de la langue algébrique, sont affectés du signe « moins ».Telle était cette famille de vulgaires bourgeois.Ils vivaient d’une douzaine de mille francs de rente provenant d’un double héritage, n’ayant jamais rien fait, d’ailleurs, pour l’accroître, non plus que pour le diminuer.Originaires de Perpignan, ils y habitaient une antique maison sur la Popinière, qui longe la rivière de Têt.Lorsqu’on les annonçait dans un des salons de la Préfecture ou de la Trésorerie générale, c’était sous le nom de : M.et Mme Désirandelle et M.Agathocle Désirandelle.Arrivée au quai, devant l’appontement qui donnait accès sur l’Argèlès, la famille s’arrêta.Embarquerait-elle immédiatement ou attendrait-elle, en se promenant, l’instant du départ ?.Sérieuse question, en vérité.« Nous sommes venus trop tôt, monsieur Désirandelle, maugrée la dame, et vous n’y manquez jamais.– Comme vous ne manquez jamais à récriminer, madame Désirandelle ! » répondit le monsieur sur le même ton.Ce couple ne s’appelait jamais autrement que « monsieur, madame » soit en public, soit en particulier, ce qu’il imaginait être d’une excessive distinction.« Allons nous installer à bord, proposa M.Désirandelle.– Une heure d’avance, se récria Mme Désirandelle, quand nous en avons trente à rester sur ce bateau, qui se balance déjà comme une escarpolette !.»En effet, bien que la mer fût calme, l’Argèlès éprouvait un léger roulis, dû à une certaine houle, dont l’ancien bassin n’est pas entièrement défendu par le brise-lames de cinq cents mètres construit à quelques encablures de la passe.« Si nous en sommes à avoir peur du mal de mer dans le port, reprit M.Désirandelle, mieux eût valu ne point entreprendre ce voyage !– Croyez-vous donc que j’y aurais consenti, monsieur Désirandelle, s’il ne s’était agi d’Agathocle.– Eh bien ! puisque c’est décidé.– Ce n’est pas une raison pour embarquer si longtemps d’avance.– Mais nous avons à déposer nos bagages, à prendre possession de notre cabine, à choisir notre place dans la salle à manger, ainsi que me l’a conseillé Dardentor.– Vous voyez bien, riposta la dame d’un ton sec, que votre Dardentor n’est pas encore arrivé ! »Et elle se redressait afin d’élargir son champ visuel, en parcourant du regard la jetée de Frontignan.Mais le personnage désigné sous ce nom étincelant de Dardentor n’apparaissait pas.« Eh ! s’écria M.Désirandelle, vous le savez, il n’en fait jamais d’autres !.On ne le verra qu’au dernier moment !.Notre ami Dardentor s’expose toujours à ce que l’on parte sans lui.– Par exemple, s’exclama Mme Désirandelle, si pareille chose survenait.– Ce ne serait pas la première fois !– Aussi pourquoi a-t-il quitté l’hôtel avant nous ?.– Il a voulu rendre visite à Pigorin, un tonnelier de ses amis, et il a promis de nous rejoindre sur le bateau.Dès son arrivée, il montera à bord, et je parierais bien qu’il ne restera pas à se morfondre sur le quai.– Mais il n’est pas arrivé.– Il ne tardera point, répliqua M.Désirandelle, qui se dirigea d’un pas délibéré vers l’appontement.– Qu’en penses-tu, Agathocle ? » demanda Mme Désirandelle, en s’adressant à son fils.Agathocle n’en pensait rien, pour cette raison qu’il ne pensait jamais à quoi que ce fût.Pourquoi ce nigaud se serait-il intéressé à ce mouvement maritime et commercial, transport de marchandises, embarquement de passagers, ce tumulte du bord qui précède le départ d’un paquebot ? D’entreprendre un voyage en mer, d’explorer un pays nouveau, ne provoquait aucunement chez lui cette curiosité joyeuse, cette émotion instinctive, si naturelle chez les jeunes gens de son âge.Indifférent à tout, étranger à tout, apathique, sans imagination ni esprit, il se laissait faire.Son père lui avait dit : « Nous allons partir pour Oran », et il avait répondu : « Ah ! » Sa mère lui avait dit : « M.Dardentor a promis de nous accompagner », et il avait répondu : « Ah ! » Tous deux lui avaient dit : « Nous allons demeurer quelques semaines chez Mme Elissane et sa fille, que tu as vues lors de leur dernier passage à Perpignan », et il avait répondu : « Ah ! » Cette interjection sert d’ordinaire à marquer ou la joie, ou la douleur, ou l’admiration, ou la commisération, ou l’impatience.Or, dans la bouche d’Agathocle, il eût été difficile de dire ce qu’elle indiquait, si ce n’est la nullité dans la bêtise, et la bêtise dans la nullité.Mais, au moment où sa mère venait de l’interroger sur ce qu’il pensait de l’opportunité de monter à bord ou de demeurer sur le quai, voyant M.Désirandelle mettre le pied sur l’appontement, il avait suivi son père, et Mme Désirandelle se résigna à embarquer après eux.Les deux jeunes gens étaient déjà installés sur la dunette du paquebot.Toute cette agitation bruyante les amusait.L’apparition de tel ou tel compagnon de voyage faisait naître dans leur esprit telle ou telle réflexion, suivant le type des individus.L’heure du départ approchait.Le sifflet à vapeur déchirait l’air.La fumée, plus abondante, tourbillonnait à la collerette de la grosse cheminée, assez voisine du grand mât qui avait été recouvert de son étui jaunâtre.Les passagers de l’Argèlès étaient, pour la plupart, des Français se rendant en Algérie, des soldats rejoignant leur régiment ou leur bataillon, quelques Arabes, quelques Marocains aussi, à destination d’Oran.Ces derniers, dès qu’ils avaient mis le pied sur le pont, se dirigeaient vers la partie réservée aux secondes classes [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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