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.Et tint bon.Resta en vie.— Tu vois combien je t’aime ? Nous serons ensemble à jamais, maintenant.Il y eut un bruit de succion lorsqu’il retira le poignard d’un geste brusque.Il eut juste le temps de se trancher la gorge avant que les gardes n’arrivent sur lui et ne le plaquent à terre.Quand un médecin s’accroupit enfin à côté de Néomi, son sang avait déjà refroidi.— Je ne sens pas de pouls, dit-il, haussant la voix pour couvrir le brouhaha qui régnait autour d’eux.C’est fini.Mais non, elle n’était pas morte ! Pas encore !Elle était jeune, elle avait encore tant de choses à découvrir ! Elle méritait de vivre.Je ne suis pas en train de mourir.Elle sentit ses mains se crisper.Je ne veux pas mourir !Mais tandis que la brise se levait de nouveau, la vue de Néomi se brouilla, vacilla comme une flamme.Non, non… je suis en vie… Je n’y vois plus rien… plus rien… J’ai si peur.Une bourrasque souleva les pétales de roses, qui retombèrent sur son visage.Elle sentit la fraîcheur de chacun de leurs baisers.Puis ce fut le noir.Chapitre 1La Nouvelle-Orléans, de nos joursSurtout, ne pas céder à la folie, scande-t-il intérieurement, tout en remontant le ponton délabré.De part et d’autre, l’eau, noire comme du goudron.Devant lui, les lumières de la taverne du bayou.Un bar du Mythos.Une enseigne au néon clignote ; des éclats de rire et de la musique s’élèvent dans la nuit.Surtout, ne pas céder à la folie… juste étouffer la rage.Jusqu’au dernier moment.À l’intérieur.— Un whisky.Sa voix est grave, rugueuse, à force de ne plus servir.Le visage du barman se décompose.Comme hier soir.Dans la salle, un malaise.Sentent-ils que j’ai besoin de tuer ? Les murmures lui font l’effet d’un bout de métal rayant un tableau noir et mettent ses nerfs usés à vif.— Conrad Wroth, autrefois seigneur de guerre… plus fou que tous les vampires que j’ai croisés au cours des siècles.— Un tueur à gages.S’il entre dans votre ville attendez-vous à voir disparaître les créatures du Mythos qui y habitent.Disparaître ? Seulement si je ne veux pas qu’on les trouve.— On dit qu’il les vide avec une telle sauvagerie qu’il ne reste plus rien de leur gorge.Je ne suis pas très méticuleux, et alors ?— Je me suis laissé dire qu’il les mangeait.Rumeur infondée.Ou peut-être pas.De nouveau, des murmures sur sa prétendue folie.Je n’ai jamais raté une cible, suis-je donc si fou ? Il se répond à lui-même : Oh que oui.Et plus que cela encore.Les souvenirs l’assaillent.Ceux de ses victimes, toujours plus nombreuses, vidées de leur sang.Qu’est-ce que la réalité ? Comment reconnaître l’illusion ? La plupart du temps, il comprend à peine ses propres réflexions.Il ne se passe pas un jour sans qu’il soit la proie d’hallucinations, jaillissant de l’ombre autour de lui.— Une grenade dégoupillée, disent-ils.Ce n’est qu’une question de temps.Ils ont raison.Ne cède pas à la folie… Comporte-toi normalement.Son verre à la main, il rit sous cape en se dirigeant vers une table dans l’ombre, au fond de la salle.Normalement ? Enfin, aussi normalement que possible pour un vampire dans un bar bourré de changeformes, de démons et de fey aux oreilles pointues.Des guirlandes de Noël accrochées au mur éclairent les orbites de crânes humains disposés autour d’un miroir.Dans un coin, la maîtresse d’un démon caresse les cornes de son amant, l’excitant délibérément.Au bar, un loup-garou immense retrousse les babines pour montrer ses crocs en faisant passer une petite rousse derrière lui, protecteur.Tu n’arrives pas à te décider à attaquer, Lycae ? Eh oui, c’est bien ça.Je ne sens pas le sang.C’est un petit truc que j’ai appris.Le couple s’en va, la petite rousse entraînée par le Lycae.Au moment de sortir, elle se retourne.Ses yeux sont comme des miroirs.Puis tous deux disparaissent – dans la nuit, puisque là est leur domaine.Assis dos au mur, il ajuste les lunettes noires qui cachent ses yeux rouges.Rouges et sales.Tout en balayant la salle d’un regard circulaire, il se retient de passer une main sur sa nuque.Pourtant, cela le démange.Quelqu’un le regarderait-il à la dérobée ?Arrête.C’est toujours l’impression que tu as.Il empoigne son verre, fixe sa main si sûre.L’esprit est dévoyé, mais la main qui manie l’épée m’est fidèle.À eux deux, quels ravages ils font…Il boit le whisky à grandes gorgées.L’alcool atténue le besoin de frapper.Mais rien ne le fait disparaître.D’infimes détails le plongent dans une rage sans nom.Un regard de travers.Des pas trop rapides.Un effleurement.La plus petite provocation lui fait montrer les crocs.Comme si une chose vivante avait faim en moi.Une chose avide de sang et de gorges à déchirer.Chaque fois qu’il agit sous le coup de la rage, les souvenirs des autres viennent encombrer sa mémoire.Il a l’esprit encore suffisamment clair pour traquer ses cibles – ses frères.Il veut se venger.Nikolaï et Murdoch Wroth paieront pour lui avoir fait subir l’insupportable.Sebastian, le troisième frère, n’est qu’une victime, comme lui, mais il doit être éliminé, pour ce qu’il est, simplement.Et mon temps est compté.Comme un animal, il sent venir la fin.Il les a retrouvés dans cet étrange lieu de marais, de brume et de musique.Il a observé Nikolaï et Sebastian en compagnie de leurs épouses.Peut-être a-t-il envié ses frères en les voyant rire avec elles, poser leurs mains sur elles, possessifs.Il a vu l’émerveillement dans leurs regards clairs.Mais la haine étouffe toute jalousie.Ils auront des enfants.Il tuera leurs femmes aussi.Je les élimine.Je m’élimine.Avant que mes ennemis ne me rattrapent.Il remet en place le pansement sous sa chemise, sur son bras gauche.Dessous, les chairs déchiquetées refusent de se refermer.Cinq jours plus tôt, il a été marqué par un démon, qui le suit depuis, grâce à cette blessure.Il lui a promis que la réalisation de son rêve le plus cher et de son pire cauchemar suivrait cette marque.Il fronce les sourcils.Le chasseur sera bientôt gibier – sa fin approche.Un soupir de regret.Quel était son rêve le plus cher ? La mémoire d’un autre explose dans son esprit, le bombarde de ses souvenirs.Sa main monte à son front, le masse…Nikolaï entre dans le bar, suivi de Murdoch.Tous deux ont l’air grave.Ils sont venus pour me tuer.Ainsi qu’il l’avait prévu.Il avait pensé pouvoir les épuiser en revenant ici, encore et encore.Sa main retombe.Ses lèvres découvrent ses crocs.Le bar se vide en un éclair.Et puis… plus rien ne bouge.Ses frères le regardent comme s’ils voyaient un fantôme.Dehors, les insectes bourdonnent.La pluie approche, l’air est lourd.Au moment où un éclair claque au loin, Sebastian entre et vient se placer à côté des deux autres.Il s’est donc allié à eux ?Conrad retire ses lunettes noires, révélant ses yeux rougis.Nikolaï, l’aîné, retient une grimace devant ce spectacle et s’avance.Tous trois semblent surpris de voir qu’il est prêt à en découdre, qu’il ne s’est pas téléporté.Ils sont forts, habiles, mais ils ne reconnaissent pas le pouvoir qui est le sien, ne comprennent pas ce qu’il est devenu.Il peut les massacrer tous les trois sans ciller et savourer cet instant.Ils n’ont pas encore tiré leur épée ? Alors, leur sort en est jeté.Pourquoi les faire attendre ?Il se lève brusquement, saute par-dessus la table et assène un coup à Sebastian, qui s’effondre, inconscient, contre le mur
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