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.Elle le tint levé jusqu’à ce qu’Alissa glisse docilement ses bras dans les manches.Elles eurent un peu de mal ; sa mère n’avait plus aidé Alissa à mettre son manteau depuis l’âge de cinq ans.Elles n’avaient plus l’habitude.— Et voici ton sac et ton chapeau.— Maman, dit fermement Alissa, qui avait compris que toute objection était vaine, je ne veux pas partir.— Bien sûr que si.(Le poids du sac s’abattit sur les épaules d’Alissa et sa mère lui plaça son chapeau de travers sur le crâne.) Sinon, tu ne te serais pas endormie dans le jardin.Ton père était comme toi.Voilà.(La mère d’Alissa hésita et l’examina de la tête aux pieds.) Par la Meute du Navigateur, tu as failli oublier de prendre une tasse.— Et si je te promets de ne plus jamais m’endormir dehors ?lança Alissa, au bord des larmes.Mais sa mère était déjà repartie dans la cuisine.L’instant d’après, elle était de retour avec la tasse que le père d’Alissa avait sculptée pour elle lorsqu’elle avait trois ans.— Prends ceci, murmura sa mère qui défit son ruban à cheveux pour attacher la tasse au sac d’Alissa.Je t’aurais bien donné une timbale de métal, mais tu risques moins de te faire voler celle-ci en cas de mauvaise rencontre.Les yeux de la mère se firent distants, et un nuage d’inquiétude balaya ses traits.— Maman, attends !— Oh, l’interrompit sa mère, les yeux écarquillés, avec ce chapeau et ce sac, tu es le portrait de ton père.Même tes yeux ont pris la même teinte grise que les siens.Presque involontairement, Alissa baissa le regard.— Ils sont bleus, dit-elle d’un ton amer.Elle savait que c’était faux, mais elle aurait voulu avoir raison.Tous les enfants nés dans les contreforts avaient les yeux bleus, la peau pâle et les cheveux clairs.Alissa n’était à l’évidence pas un modèle de fille de fermier.Elle ressemblait trop à sa mère, originaire des plaines.Et si les yeux et les cheveux d’Alissa étaient aussi clairs que ceux de son père, elle avait la haute taille et la peau sombre de sa mère.Son physique tenait de ses deux parents, de sorte qu’elle n’était acceptée par personne, méprisée et détestée de tous.D’une main douce mais résolue, sa mère lui releva le menton pour que leurs regards se croisent.— Ils ne sont pas bleus, assura-t-elle d’une voix aimante, et tu ne dois pas avoir honte de ton héritage.Tu n’es pas une métisse.Tu es simplement toi.Tu appartiens aux plaines et aux contreforts, Alissa, et pas à l’un ou l’autre.Alissa baissa de nouveau les yeux.Elles avaient eu cette discussion tant de fois…— Maintenant, file, ordonna doucement sa mère, et Alissa en eut le souffle coupé.Il y a un petit vent vivifiant ce matin, tu avanceras bien, poursuivit-elle en ouvrant la porte pour pousser doucement Alissa dehors.Va.Et n’oublie pas ton bâton de marche.Le bois doux et familier se trouva soudain entre les mains d’Alissa.— Maman, non !Alissa regarda en arrière et vit sa mère debout sur le pas de la porte, les bras serrés autour d’elle.Elle semblait si petite et si seule.— Marche vers l’ouest, indiqua-t-elle.C’est toujours par là que se dirigeait ton père.Il disait que tu saurais trouver la Forteresse par toi-même, que ce serait instinctif, comme les oies qui migrent vers le sud.Il disait que ceux qui vivent là-bas compléteraient ta formation.J’espère que je n’ai porté aucun préjudice à tes études.Ton père ne m’a jamais dit de quoi tu aurais besoin.Baignée de soleil, Alissa restait immobile, ses nouvelles bottes fermement plantées dans la terre devant la maison.Dans les pâturages encore humides de rosée, elle entendait vaguement braire les moutons.Leur chèvre de garde, Nanny, fit retentir sa cloche comme un avertissement.— Au revoir, ma chérie, dit la mère d’Alissa en la serrant un peu brusquement dans ses bras, et la jeune fille sentit le parfum âcre des citrouilles l’envahir.— Souviens-toi de ce que je t’ai appris.Rappelle-toi surtout de te maîtriser.Un jour, ton tempérament te perdra.(Elle s’écarta et laissa la joue d’Alissa humide de ses larmes.) Je suis désolée, souffla-t-elle en prenant une rapide inspiration.Je ne voulais pas te perdre.Tu étais tout ce qui me restait de lui.— Maman ! pleura Alissa en saisissant la manche qui s’écartait d’elle.Ne me force pas à partir.Papa ne croyait pas à la magie.Il disait que cela n’existait pas.Sa mère s’écarta, le visage impassible.— Bien sûr qu’il disait cela.Il ignorait si… si tu serais capable d’en faire.— Mais je ne le suis pas ! protesta Alissa avec véhémence.Je ne sais rien faire de ce que réalisent les Gardiens dans les contes de papa.Je ne sais pas allumer un feu, parler sans prononcer un mot, ou immobiliser quelqu’un par la seule force de mon esprit.Je n’arrive même pas à empêcher les chats de s’enfuir devant moi.Sa mère sourit, dans un mélange de fierté et de chagrin.— Tu y arriveras, dit-elle en essuyant ses larmes.— La magie n’existe pas ! cria Alissa.Ce ne sont que des histoires !— Tout est vrai, Alissa.Je l’ai vu.(Sa mère ferma les yeux, perdue dans ses souvenirs.) Un jour, ton père a arrêté le vent pour moi.— Alors pourquoi ne m’a-t-il rien montré ? Pourquoi n’a-t-il jamais rien fait ?Sa mère eut un geste d’impuissance.— Il disait que te montrer risquait d’éveiller tes pouvoirs.Ce n’était pas son rôle de t’apprendre, et… (Elle hésita.) Il ne voulait pas que tu sois comme lui.Il voulait que tu me ressembles.Il était tellement persuadé que tu suivrais la même route que moi, et il redoutait tant que ce ne soit pas le cas.(Sa mère se mordit les lèvres et baissa les yeux.) Il avait peur, conclut-elle d’une voix douce.— De quoi ? lança Alissa en criant presque, terrifiée à l’idée que tout cela lui arrive réellement
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