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.Ce qui achevait de faire de cet espèce d’Hercule un personnage redoutable, c’est que nul ne connaissait ni son origine, ni son nom de famille.Nésime, comme on disait, était Nésime tout court !Parlant, avec une égale facilité, le français, l’anglais, l’espagnol et plusieurs dialectes de langue sauvage, faisant profession ouverte d’athéisme, se vantant de pouvoir renchérir sur les plus horribles blasphèmes que l’on put proférer, il était la terreur des chantiers.Ses camarades de campement ne respiraient à l’aise que lorsque Nésime s’absentait pour une de ces excursions mystérieuses dont il était coutumier et au sujet desquelles on se perdait en mille et une conjectures plus fantaisistes les unes que les autres.Mais ce n’était pas seulement par ses absences subites et fréquentes que la conduite de Nésime était étrange et donnait lieu à d’innombrables suppositions.Souvent, après le repas du soir, par les nuits les plus noires comme par les plus beaux clairs de lune, dans la tempête qui fait rage comme par la gelée sèche et mordante qui fait craquer les arbres, il sortait, s’éloignait de l’air le plus naturel du monde et, soudain, disparaissait sans que nul ne pût savoir où il se rendait, ni à quelle ténébreuse besogne il allait s’employer.Maintes fois on avait suivi Nésime, mais toujours en vain.Quelle que fut la direction qu’il prenait, bientôt il s’évanouissait et jamais personne n’avait pu expliquer sa subite disparition, ni découvrir le secret de sa cachette.Après quelques heures d’absence, Nésime, calme et impassible, rentrait au campement, fumait sa pipe ; ne parlant à ses compagnons que juste autant que l’exigeaient les besoins de l’ouvrage ; se couchait, pour se lever le premier le lendemain matin et reprendre vigoureusement la besogne.◊Nous sommes au soir du 1er novembre de l’année 18.Au dehors, le temps est triste et sombre, comme en deuil des générations disparues, ainsi qu’il convient à la veille de la Commémoration des Morts.La terre, durcie par la gelée, sonne creux sous le pas des bûcherons qui se rendent d’un campement à l’autre pour passer la veillée des morts en société des amis et camarades.L’âpre brise du Nord-Ouest chasse devant elle ces légères giboulées de neige, précurseurs des rigueurs de l’hiver.Du sein de la forêt, semblable aux longs gémissements des malheureux mêlés aux appels plaintifs des orfraies et des fauves, s’élève ce bruit monotone, sinistre, qui donne le frisson et que produit le vent quand il agit et fait s’entrechoquer les branches des arbres, dépouillées de leurs feuilles.Dans le campement, qu’enfume et remplit d’une lueur triste et blafarde une grosse torche de résine (seul luminaire connu à cette époque), les bûcherons, les uns assis autour d’un énorme feu de bois, d’autres entourant des tables d’une simplicité primitive et dressées à demeure, d’autres étendus sur leurs lits de camp, et tout en fumant leur pipe, écoutent avec une religieuse attention Jean-Pierre, le chef d’équipe et maître-conteur, narrant d’horrifiques histoires de diables et de revenants.Nésime, dont depuis quelque temps les absences mystérieuses et les courses nocturnes sont devenues plus rares, arpente rageusement le campement.Son air est soucieux, dur, cruel et plus sombre encore que de coutume.Les récits de Jean-Pierre paraissent avoir le malheur de l’agacer et de l’irriter outre mesure.Ses yeux brillent et ont des reflets comme des lames d’acier, ses poings se crispent, on l’entend grincer des dents, la colère bouillonne en lui, un éclat est imminent.Brusquement il s’arrête.D’un formidable coup de son poing fermé, il ébranle la table, tandis que sa bouche lance un blasphème si horrible que Jean-Pierre, le vétéran bûcheron lui-même, étourdi, perd le fil de sa légende.– Tas de vieilles femmes ! Avez-vous bientôt fini d’écouter ces absurdes histoires, interroge Nésime avec colère ?– Qui vous parle à vous ? Qui s’occupe de vous, hasarde timidement Jean-Pierre ?– C’est vrai aussi ! répète l’auditoire en masse.Qui vous parle ?– Laissez-nous ! reprend Jean-Pierre, enhardi par le ton des quarante bouches qui lui font écho.Si vous n’aimez pas nos histoires, personne ici ne vous force, ne vous invite à les écouter.Nous savons de reste que vous êtes un mécréant qui nie l’immortalité de l’âme, vous nous l’avez assez souvent dit et prouvé par vos actes.– Oui ! Je me moque de votre Dieu absurde, de vos diables pour rire et de toute la collection de vos stupides revenants ! Je les défie tous ensemble ! s’écrie Nésime avec un ricanement sinistre, tandis que l’assistance se signe avec terreur.– Faites-nous grâce de vos impiétés, Nésime ! C’est moi, Jean-Pierre, qui vous parle, qui vous le dis en bonne amitié : un jour viendra – oui, un jour prochain peut-être, car vous vous faites vieux – où vous invoquerez avec des larmes de désespoir ce Dieu que vous blasphémez aujourd’hui.Puisse-t-il alors n’être pas trop tard ! Puisse le scandale que vous causez parmi nous ne pas le rendre sourd et insensible à vos prières et à vos supplications, ce Dieu que vous niez et offensez avec tant d’orgueil et tant de haine aujourd’hui.– Vrai, tu aurais fait un prédicant superbe, Jean-Pierre, riposte Nésime avec dédain ! Ma parole ! tu aurais mieux fait dans un temple, affublé d’une chemise blanche, racontant des sornettes aux vieilles femmes et aux enfants, que dans un campement d’hommes, de bûcherons rudes et solides, mais doués du sens commun.Tu as manqué ta vocation, Jean-Pierre mon ami ! Tu aurais admirablement réussi dans les duperies pour l’édification des femmes et des innocents ! Tu aurais été beau et tout à fait dans ton rôle en enseignant aux idiots les mille contes fous qu’on nous fait sur Jésus-Christ, sa vertueuse maman, son nigaud de papa et toute la kyrielle de fourbes et de malfaiteurs dont ton almanach catholique et toi avec vous peuplez le Paradis et que tu appelles des Saints.Les bûcherons se signent avec effroi, comme fascinés par Nésime, bleu de colère et se démenant comme un possédé.Jean-Pierre, resté calme et impassible sous l’avalanche d’horreurs expectorées par l’athée, reprend avec une douceur presque paternelle.– Que Dieu ait pitié de vous, pauvre Nésime ! Que les Saints, que vous insultez si grossièrement aujourd’hui, intercèdent pour vous, que les morts, dont c’est aujourd’hui la veillée et parmi lesquels vous comptez sans doute des parents et des amis, vous pardonnent et ne crient pas vengeance à Dieu.– Que parles-tu de parents et d’amis, vil hypocrite de Jean-Pierre ! Ces choses-là n’existent que dans tes maudits livres avec lesquels tu trompes le monde et tu le sais ! Dieu ! Ah ! Je m’en moque ! Lui, sa collection de scélérats, sa maman et son jobard de mari en tête ne me font pas plus peur que le dernier mort enterré avec accompagnement de tes idiots oremus, de ton eau sale et de ton pesant encens.Une armée de ces charognes ne m’inspire pas plus de crainte qu’un agneau d’un jour.Je n’ai pour elles que du dégoût [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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